LE DERNIER BERGER DU COQ GAULOIS ?

Son courage est un appel pour sauvegarder la biodiversité et notre patrimoine vivant
Pratiquement tous les Français l'ignorent : le coq gaulois, emblème de la France, est en voie de disparition.
Le panda, le rhinocéros blanc, le gorille….., autant d'espèces popularisées par les émissions télévisées animalières, dont le grand public est parfaitement au courant qu'elles sont menacées d'extinction et font l'objet de programmes de protection internationaux.
Mais qui sait que le coq " gaulois ", le lapin " normand ", le pigeon " tête noire de Brive "…. sont également des animaux en voie de disparition ? (Tout comme d'ailleurs de nombreuses races et variétés de légumes et de fruits).
Le mouvement écologiste s'est concentré uniquement sur les animaux sauvages.
Les autres en sont-ils pour autant moins dignes d'intérêt ?
L'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) est loin de le penser, et a rappelé dans un récent rapport " qu'une nette diminution du nombre de races animales exploitées (un millier environ ont été perdues au cours du 20e siècle) augmente d'autant la menace que font peser parasites et agents pathogènes sur les cheptels. Parce que les animaux de races locales sont mieux adaptés à leur terroir et donc plus résistants aux maladies, la diversité génétique (ou biodiversité) est une assurance contre l'expansion de maladies, d'éventuelles famines ou catastrophes naturelles ".
D'après la FAO, si rien n'est fait, sur 4200 races locales, plus de 2400 risquent de disparaître dans les 20 ans. Jamais la situation n'aura été aussi grave.
Elle lance un appel aux Etats. Mais ceux-ci, confrontés à toutes sortes d'autres problèmes qu'ils jugent plus importants, bougent peu.
Les raison de ce rapide déclin sont connues, elles sont principalement au nombre de trois .
En premier lieu, au début du 20° siècle, la grande majorité de la population habite à la campagne ou en est issue. Chacun, par exemple, entretient une basse-cour. Elle est le seul moyen, notamment pour la classe ouvrière, de manger de la viande à peu de frais. Fin du 20°siècle : 80% de la population occidentale habite en ville et la vie citadine en appartement réduit tout contact avec la nature et les animaux.
En second lieu, dans les années 60, la nécessité de nourrir une population en pleine expansion, et le leitmotiv productiviste firent que bon nombre d'élevage prirent une dimension industrielle et se concentrèrent uniquement sur quelques races très productives (en général, des hybrides industriels américains). Les centaines d'autres qui faisaient alors toute la diversité de nos terroirs faillirent disparaître si elles n'avaient été sauvées par des particuliers désintéressés, en tant qu'animaux domestiques, de compagnie ou d'ornement.(C'est le cas de notre célèbre coq gaulois). Ces particuliers, ces têtus qui n'ont pas cédé à la compétition du " toujours plus productif " présentée alors comme le " progrès ", accusés par certains de " conservatisme nostalgique " ou pire, on les appelle " éleveurs amateurs ", le terme amateur ne signifiant pas " peu sérieux ", mais dérivant du verbe latin " amare " qui signifie " aimer ". Et cette belle passion, ils aimeraient pouvoir la transmettre aux enfants et aux personnes intéressées, avant qu'elle ne disparaisse.
En troisième lieu, on assiste à un phénomène de mondialisation qui impose commercialement sur la planète entière quelques races, comme la Prim'Holstein pour les vaches ou l'Isabrown pour les poules.
La fédération ProNaturA France rassemble les personnes qui veulent agir pour la protection de la nature et des animaux sauvages ou domestiques (Déjà plus de 200.000 membres). Elle a réuni des scientifiques, professeurs, vétérinaires, sociologues, juristes, philosophes, ethnologues, biologistes, etc., au sein d'un Conseil qui réfléchit à de nombreux thèmes touchant la protection.
Il y aurait au moins trois manières de sauvegarder les races et variétés locales et d'assurer leur avenir :
1°) Si les personnes qui quittent la ville pour s'installer à la campagne sont sensibilisées et s'impliquent dans la sauvegarde de quelques races ou variétés locales rares, d'animaux ou de végétaux, la partie pourrait être gagnée.
2°) La génération du baby-boom arrive à l'âge de la retraite. C'est le moment de faire tout ce qu'on n'a pas pu quand on avait des horaires de travail harassantes. Beaucoup vont s'adonner aux plaisirs du jardin.
Pourquoi ne pas retrouver les saveurs si différentes des variétés locales ?
Cependant, quand on a un jardin, on a aussi parfois " trop " de légumes ou des déchets verts. Comment les valoriser ? Très simple : les lapins, les poules, les oies, les chèvres, etc. en raffolent. Dans chaque Région, il existe une ou plusieurs races qui ont besoin d'aide pour ne pas disparaître.
Bien entendu, vous allez me dire que les retraités voyages beaucoup et qu'on ne peut pas partir quand on a des animaux. Pas forcément, car aujourd'hui, il existe des abreuvoirs et mangeoires automatiques qui peuvent contenir jusqu'à une semaine d'aliments et pour les poulaillers, il y a des systèmes automatiques avec horloges intégrées qui lèvent ou baissent la trappe des poulaillers à l'heure choisie. En outre, vous pourrez certainement trouver dans les associations locales d'aviculture ou de jardiniers amateurs des personnes qui pourront venir s'occuper de vos animaux et végétaux pendant vos absences.
3°) Si les restaurateurs consciencieux proposaient sur leurs tables des plats composés de races et variétés locales d'animaux et de végétaux, les agriculteurs des environs pourraient trouver des débouchés constants et reprendraient certainement des races locales à croissance moins rapide, mais aux saveurs si différentes, ô combien plus délicieuses.
J'ai choisi de vous parler de Jacques Berger, parce qu'il est un exemple à imiter.
A priori, rien ne prédestinait le petit orléanais, dont le père était coiffeur et la mère employée de bureau, à devenir l'un des derniers sauveurs de races rares d'animaux de basse-cour.
Je me suis intéressé au travail de J. Berger en visitant les expositions avicoles : non seulement il présentait des animaux de races très rares, mais en plus, ses animaux étaient d'une beauté et d'une qualité à tomber par terre. En témoignent les nombreux prix honorifiques qui trônent chez lui. Dès que j'en ai eu la possibilité, je suis allé lui rendre visite.
De sacrées surprises m'attendaient.
Jacques Berger a animé pendant des années l'Amicale des Aviculteurs Sélectionneur de Sologne et a créé le Conservatoire des Races Rustiques de Sologne pour promouvoir la poule de Contres et le dindon noir de Sologne.
Il a sauvé la si rare poule de Contres, une race très ancienne, dite " la bonne à tout faire ", car contrairement aux races industrielles actuelles qui sont spécialisées soit pour la ponte, soit pour la croissance rapide de la chair, elle était mixte, comme toutes les races ancestrales, c'est à dire élevée à la fois pour sa chair et sa ponte. De plus, elle couve. Pour les curieux, Contres est une petite ville nichée au cœur de la Sologne, non loin des Châteaux de la Loire que les touristes apprécient tant.
Les sujets, que j'ai vus, sont vifs et d'une belle taille. Et, ce qui me fait particulièrement plaisir, c'est que Jacques me précise qu'aujourd'hui il y a de la demande et que l'avenir est moins sombre.
Avant que les races de volailles asiatiques " géantes " ne soit importées à la fin du XIX° siècle, la race la plus répandue en France était une race légère, appelée Gauloise dorée pour celles qui avaient les yeux oranges et Bresse-gauloise pour celles qui avaient les yeux sombres. César trouva ces poules en tellement grand nombre lorsqu'il envahit la Gaule qu'il appela les habitants de ce pays, les habitants du pays des Coqs, Gallus en latin qui donna Gaulois. (Et peut-être aussi en raison de leur tempérament querelleur, qui sait…).
Jacques Berger fait parti des rares éleveurs qui sauvegardent cette race, avec patience et intelligence.
Et il a eu aussi la chance de voir apparaître un sujet d'une couleur nouvelle : la couleur saumonée bleue dorée.
Il s'agit d'une couleur compatible avec la couleur (saumonée) dorée, couleur originelle, qui est aussi la couleur du coq bankiva, coq de la jungle asiatique, ancêtre de toutes les races de volailles. Le coq gaulois doré est la race qui est la plus proche de ce coq de jungle.
Il a conservé cette nouvelle couleur et s'attache actuellement à la multiplier, ayant remarqué que plus une race a de coloris, plus elle attire de personnes, car les Français aiment souvent avoir de la diversité de formes et de couleurs que ce soit dans leur basse-cour ou ailleurs. Un petit peu plus de 400 poussins gaulois sont nés cette année chez lui.
Mais Jacques Berger possède également un petit trésor : de la Bresse-gauloise blanche et de la Bresse-gauloise blanche à crête pâle. C'est une volaille qui a notamment pour caractéristique d'avoir les pattes bleues. Vous allez me dire : "la volaille de Bresse, c'est commun".
Pas du tout : la volaille de Bresse originelle et originale était beaucoup moins grosse que la volaille sélectionnée en Bresse actuellement pour sa chair. Et de cette volaille ancestrale, il n'en reste quasiment plus.
Sauf que quelque chose peut la sauver : la Bresse à crête pâle est plébiscitée par les grands restaurateurs qui jugent sa chair fine comme étant l'une des toutes premières au monde. A l'heure où les agriculteurs devraient chercher à diversifier leur production, notamment en allant vers le "haut de gamme", bien peu s'y intéressent pourtant....
Bon vivant, J. Berger sélectionne, depuis de nombreuses années, les dindons bronzé d'Amérique (couleur des dindons sauvages) et les dindons narragansett, qui jouissent d'un grand parc. Car là encore, la chair du dindon élevé en plein air n'a pas grand chose à voir avec celle des dindes industrielles...
Plus surprenant, les deux borders collie de Jacques (un mâle gris souris et une femelle chocolat) ont été dressés pour rassembler et 'garder' .....les dindons. C'est bien la première fois que je voyais cela, mais cela me conforte dans mon idée que les éleveurs devraient tous dresser des chiens de bergers pour garder et protéger leurs animaux de basse-cour, les renards et autres prédateurs qui peuvent massacrer tout un élevage en très peu de temps, étant, de ce fait, découragés de passer à l'attaque. Si d'ailleurs, quelqu'un a essayé de dresser des chiens pour aboyer et protéger les poules des rapaces, je serais heureux qu'il me contacte, car c'est une expérience qui peut intéresser beaucoup de monde. Dans la même veine, mais encore plus ornemental, car les éleveurs sont souvent des amoureux de la beauté, Jacques élève des paons de différentes couleurs. C'est sont péché mignon en quelques sortes, mais cela est une bonne chose, car malheureusement, de moins en moins de personnes élèvent ce si bel animal.
Devenu récemment chômeur, à cause d'un licenciement économique, il prend son courage à deux mains et se lance dans l'élevage professionnel pour tenter de multiplier et de répandre les races rares.
Il a fait preuve d'un sacré courage et il mérite pour cela toutes les félicitations et aides, notamment de la fédération ProNaturA France.
Une couveuse de 3600 œufs a été achetée et une autre de 1200 œufs lui sert d'éclosoir. La lettre du parc des parents est inscrites sur chaque œuf et à l'éclosion, les œufs sont placés dans des paniers séparés, ce qui permet une parfaite traçabilité des origines et donc une parfaite sélection ultérieure, puisque les résultats des chaque "parquet de reproducteurs" est connu. Les poussins nouveaux nés et démarrés sont placés dans un bâtiment spécial à l'abri.
Pour vivre, J. Berger s'est adapté à la demande. Il est en train de développer les variétés rares, ainsi que les poules naines, et souvent les deux.
Par exemple, il est un des rares à posséder une poule naine minuscules, la "Sébright", dans une couleur "citronnée", où chaque plume est entourée d'un fin liseré noir, que l'on croirait dessiné par un peintre facétieux. De même, il avait des poules naines Hambourg pailletées argentées (non, non, elles ne sont pas issues de la jet-set), c'est à dire blanche mouchetées des points noirs bien ronds et réguliers, une véritable œuvre d'art en somme... Qu'à cela ne tienne, il a crée des poules naines Hambourg pailletées citronnées. C'est le petit plus de Jacques Berger : non seulement il sauvegarde des vieilles races ancestrales rares, mais en plus, il joue avec les couleurs complémentaires pour leur redonner plus d'intérêt. Il est dans la maîtrise de ce qu'il fait, mais il a aussi un trait de fantaisie qui n'est pas loin du génie.
Par ailleurs, il est peu fréquent que les éleveurs de races européennes légères, comme la gauloise, s'intéressent aux races asiatiques, lourdes et calmes, comme la (géante) Brahma. Et je ne m'attendais pas à en trouver chez J. Berger, qui développe les couleurs perdrix dorée, perdrix dorée bleue, perdrix argentée, herminée, columbia bleue et noire, et les si rares noires et bleues unicolores, ainsi que des brahma perdrix maillée argenté bleu, souche trouvée en Allemagne grâce à Internet et récupérée depuis peu.
La meilleure couveuse au monde est la poule nègre-soie, et après avoir élevé des Nègre-soie blanches, noires, sauvages et coucou, le voici qui se lance dans la Nègre-soie bleue.
Mais Jacques a encore plein de projets : élever des cochins géantes noires et coucou à plumage frisé, des naines sabelpoot mille fleurs citronnées, etc. Quelle que soit la taille de votre terrain et de votre poulailler, vous devriez trouver chez lui une poule qui vous satisfera. Vous pouvez retrouvez son élevage sur le site : www.elvil.fr
Pour aller à la rencontre d'un plus large public sur les marchés, Jacques a investi dans un camion de poissonnier (parce que cela se nettoie mieux), qu'il a aménagé avec cages pour les adultes ou les jeunes et lampes chauffantes pour les poussins. Pour l'instant, il vend plus d'adultes, car le public ne saisit apparemment pas que les poussins qu'il présente ne peuvent pas être au même prix que les poussins de "souches industrielles", produits par centaines de milliers chaque semaine et dont le coût de revient est moindre.
Pourtant, un poussin de race, cela mange pareil qu'un poussin industriel, et ce dernier devenu adulte se vendra peu cher, alors qu'une poule de race pourra se vendre bien plus chère qu'une autre.....voilà un investissement intéressant. Pour vous et pour la biodiversité.
Sans compter la qualité de chair et résistance aux maladies
Comme souvent, rien ne serait possible sans l'aide de la famille : Claire son épouse Julie Pascal et Aurélien qui apportent leur soutien à Jacques, l'un en créant le site internet les autres en l'aidant dans les diverses activités de l'élevage.
Pour ceux qui veulent le retrouver à proximité de chez eux, il sera présent aux fêtes de Saint Viatre, Neuville aux Bois, Souvigny en Sologne et à Bonneval 25 et 26 aout, au château de Sully sur Loire les 8 et 9 septembre 2007, Millancay (41) 29 et 30 septembre, Parc floral d'Orléans du 5 au 7 octobre 2007. Sans compter les expositions nationales de la région et un peu plus loin.
Sinon, c'est livraison par transporteur.
Vous aussi, en adoptant une ou plusieurs de ces races en voie de disparition, vous pouvez faire un geste pour sauvegarder la biodiversité.
Si vous êtes nouvellement installés à la campagne, retraités, ruraux, amateurs, ou que vous êtes agriculteurs ou restaurateurs, etc. intéressés par la sauvegarde et la valorisation d'une race ancestrale rare d'animaux de ferme, n'hésitez pas à contacter J. Berger, ou la fédération ProNaturA France.

Coordonnées de Jacques Berger :
Téléphone : 02 38 75 51 04 (heures des repas)
Courriel : bergerj45@aol.com



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