FIEVRE APHTEUSE : ARGUMENTAIRE de ProNaturA France
Par l'ampleur qu'elle a revêtue, - plus de 4.5 millions d'animaux auraient été abattus -, l'épizootie britannique de fièvre aphteuse a conduit les pouvoirs publics à s'interroger sur l'opportunité de revenir sur l'interdiction de la vaccination préventive décidée en 1990 au sein de l'Union européenne.
Le grand public a été extrêmement choqué de voir les charniers de centaines d'animaux abattus, le plus souvent à titre préventif. Les éleveurs sont sous la menace constante de perdre leur cheptel auquel ils sont attachés et de voir disparaître des dizaines d'années de sélection.
Quelques années après cette terrible épizootie, peu de choses semble avoir évolué et les animaux et les éleveurs demeurent sous la menace d'une nouvelle épizootie de grande ampleur.
Quiconque a vu un animal atteint de fièvre aphteuse ne peut que se remémorer sa souffrance.
ProNaturA France souligne qu'on ne peut chosifier les animaux.
Il apparaît d'ores et déjà insoutenable de subir une nouvelle crise analogue à celle survenue en Grande Bretagne.
ProNaturA France, en tant qu'organisation soutenant une protection animale raisonnable et scientifique, représentant à la fois des milliers de citoyens et des milliers d'éleveurs, se devait d'apporter sa contribution à un débat qui semble s'être quelque peu assoupi.
Voici l'argumentaire retenu par le Haut Conseil Scientifique de ProNaturA France sur la question de la vaccination ou non contre la fièvre aphteuse :
Nous espérons qu'il permettra d'éclairer les dirigeants politiques, administratifs et syndicaux français et européens et d'adopter rapidement les décisions sages qui s'imposent.
1- Sur les risques de propagation :
1-1) les menaces actuelles d'épizooties croissent en raison de l'intensification du commerce international et des échanges. Le tourisme de masse et la multiplication des transports aériens rapides peuvent accroître les risques. Les risques de contamination sont donc beaucoup plus importants qu'il y a dix ou vingt ans.
1-2) Le virus aphteux figure en bonne place dans la liste des " armes " pouvant être employées par des " bioterroristes " en raison des pertes économiques importantes, de la désorganisation et de la paralysie des échanges qui pourraient gravement nuire à un Etat ou un groupe d'Etats.
1-3) Le danger de dissémination par des animaux sauvages, qui, par définition, ne connaissent pas les frontières et peuvent parcourir plusieurs centaines de kilomètres, ne doit pas être négligé.
1-4) La Russie a réussi à éradiquer quasi totalement la maladie, grâce à sa politique active de vaccination. Elle n'a pas baissé sa garde en raison d'un risque latent dans les pays du Caucase.

2- Sur l'aspect économique du problème :
Le principal argument qui motivait, en 1990, la suspension de la vaccination, principalement souhaité par les pays anglo-saxons, était que le coût de la vaccination, actualisé sur 10 ans, était supérieur à celui d'une politique de non vaccination. En outre, la vaccination limitait les exportations vers les pays indemnes de fièvre aphteuse, qui se refusent à importer des cheptels vaccinés, craignant qu'ils véhiculent la maladie.
2-1) Le calcul du coût s'est révélé faux.
L'Union européenne avait calculé que le coût d'éventuelles indemnisations s'élèverait à 700 millions d'euros.
En réalité, l'épizootie aurait coûté environ 12 milliards d'euros.
Cela a coûté aux ménages français 630 millions d'euros.
2-2) Est ce que dans un contexte de réductions des dépenses de la politique agricole commune et de gel des subventions européennes, on peut vraiment exposer les éleveurs à un tel risque de nouvelle épizootie ?
2-3) Le risque d'accidents suite à vaccination est infinitésimal et le Dr Gilbert souligne qu'il n'est pas sérieux d'affirmer que des animaux vaccinés puissent véhiculer la maladie.
2-4) L'Union européenne se handicape elle-même, dans la mesure où elle interdit de vacciner pour pouvoir continuer à bénéficier du statut de pays indemne et pouvoir exporter. Au lieu d'affirmer une position indépendante et originale, elle préfère suivre la position des Etats Unis, principal pays attaché à la non vaccination. Mais dans le même temps, elle n'interdit pas l'entrée sur son territoire des contingents de viandes provenant des pays d'Amérique du Sud, dont plusieurs vaccinent plus ou moins régulièrement et représentent un danger potentiel. La position actuelle de l'Union européenne est donc illogique et contre-productive.
2-5) Il apparaît urgent et sage de soutenir l'une des conclusions du rapport du sénateur Emorine, qui demande aux pouvoirs publics français de solliciter de l'Office international des épizooties, " la modification des dispositions du code zoosanitaire international, qui interdisent en pratique la fabrication de fromage au lait cru, alors même que le processus d'élaboration de certains d'entre eux permet l'inactivation du virus (du fait de l'acidification du pH) ".

3- Sur l'aspect technique du problème :

3-1) L'un des principaux obstacles techniques à la vaccination, mis en avant, était l'argument suivant lequel on ne pouvait faire la différence entre des animaux ayant des anticorps parce qu'ils étaient vaccinés et ceux en possédant parce que mis en contact avec la maladie. Or, le rapport Emorine, reprenant les conclusions de nombreux scientifiques met en lumière le fait que l' " on peut d'ores et déjà utiliser des vaccins (nouvelle génération) hautement purifiés, qui permettent de distinguer les animaux malades des animaux vaccinés ". Cette avancée technique fait tomber le principal argument à la non vaccination.
3-2) L'union européenne a publié en novembre 2003 une directive qui donne la possibilité à un Etat de recourir à une vaccination d'urgence : vaccination préventive ou vaccination suppressive. Il s'agit manifestement d'une avancée positive. Mais étant une vaccination d'urgence, elle n'écarte pas le risque d'être pris de court et dépasser par la vitesse de l'épidémie. Le risque demeure très grand pour les races à faible effectif et les races très localisées, comme les chevaux et les taureaux de Camargue. Celles-ci risquent de disparaître définitivement en cas de problème.
3-3) De plus, cette option de vaccination d'urgence implique de disposer de stocks importants de vaccins. L'industrie des vaccins est dominée par les financiers que les stocks n'intéressent pas, s'il n'y a pas de débouchés. Donc, la politique des stocks apparaît comme étant plutôt compromise sinon illusoire. De plus, l'industrie des vaccins peut être comparée à la grande cuisine, si on n'en fait pas régulièrement, on perd la main. Seuls des débouchés réguliers peuvent garantir une continuation des recherches et une production de vaccins régulière et de qualité.

En conclusion, le bilan coûts/avantages de la non vaccination s'étant révélé erroné, il semble important à une époque, où l'opinion publique et les pouvoirs publics sont de plus en plus sensibles à la mise en œuvre du principe de précaution de revenir à un principe de base de prévention des risques : l'assurance . La vaccination est similaire à une assurance contre l'incendie, il est plus sage de payer un peu chaque année une police d'assurance que de devoir tout perdre un jour où l'autre.
Les conclusions du rapport du sénateur Emorine méritent aussi d'être retenues : A moyen terme, il convient de :
- relancer les recherches sur de nouveaux vaccins ;
- favoriser l'établissement de protocoles harmonisés en matière de prélèvements sérologiques (pour éviter d'abattre des animaux qui seraient de " faux positifs ") ;
- mener des campagnes de vaccination pour éradiquer la maladie à l'échelle mondiale et pour constituer des " zones-tampon " aux frontières de l'Union européenne ;
- modifier la réglementation pour permettre de vacciner les espèces rares ou constituant un patrimoine génétique de grande valeur.
Deux solutions différentes peuvent être retenues :
- Soit souhaiter une vaccination de tous les animaux concernés, si les adhérents des UPRA sont d'accord.
- Soit demander uniquement une vaccination des animaux de races à faible effectif, parce que leur viande est peu ou pas exportée et qu'il y a un trop grand risque de disparition de la race en cas d'épidémie. Il s'agit d'ailleurs d'une recommandation de l'office internationale des épizooties qui souhaitent la vaccination " des troupeaux reliques ".
Dans les deux cas, il sera demandé, comme le soutient le rapport Emorine que soit créé entre la catégorie des Etats indemnes de fièvre aphteuse et la catégorie des Etats contaminés, une troisième catégorie : celle des Etats indemnes qui vaccinent et qui réalisent une surveillance sérologique.

Si vous souhaitez donner votre avis sur la vaccination contre la fièvre aphteuse, n'hésitez pas à nous contacter.



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