Texte Thierry Girod
AVANT L'ACQUISITION DES OISEAUX, une documentation bibliographique s'impose, pour bien connaître la biologie des espèces qu'on souhaite élever. Parfois on peut être amené à modifier ses projets, si l'on s'aperçoit qu'on n'est pas en mesure d'offrir à l'espèce considérée les conditions de vie dont elle a besoin. Il faut se renseigner sur l'aire de répartition naturelle de l'espèce, le pays, la région, le type de climat, l'altitude, la nature du sol et de la végétation, bref le biotope. Il faut prendre en compte les conditions de climat de la région dans laquelle on habite, pour connaître les contraintes éventuelles qu'elles peuvent imposer aux oiseaux (température, humidité,…). Il faut connaître l'alimentation de l'oiseau dans la nature, ses besoins, mais aussi rechercher des informations sur sa reproduction et ses moeurs (solitaire ou grégaire, monogame ou polygame, durée de l'incubation, etc....). Si possible connaître les compatibilités entre espèces est très utile. D'un point de vue vétérinaire, connaître les principales maladies parasitaires et leur prévention permettra d'éviter les problèmes ultérieurs.
CHEZ L'ÉLEVEUR
Lorsqu'on a arrêté son choix, on se met à la recherche d'un éleveur disposant de jeunes sujets. Je préconise de toujours se rendre chez l'éleveur, pour constater le mode de vie des animaux qu'on veut acquérir. Cela permet déjà de prendre conscience des différences régionales et climatiques que les oiseaux devront supporter, et auxquelles il faudra les aider à s'adapter. Et puis il faut bien connaître les méthodes de l'éleveur. Que donne-t-il à manger à ses oiseaux ? Quels aliments (naturels et artificiels), quand et pourquoi ? Où les loge-t-il ? Comment les amène-t-il à se reproduire ? etc.
Pour ma part, je me procure toujours auprès de l'éleveur 25 à 30 Kg d'aliment qu'il utilise, et conserve précieusement la fiche technique. En effet s'il n'est pas toujours possible de se procurer le même aliment (en particulier lorsque les animaux proviennent de l'étranger), on peut au moins chercher la composition la plus proche. Tout ceci a pour but de réduire au maximum les différents changements que les oiseaux devront subir.
L'ARRIVÉE À LA MAISON est une source importante de stress pour les oiseaux qui ont déjà dû supporter le voyage. En effet le transport leur cause un stress (perturbation du rythme quotidien, peur, changements brusques de température, secousses, diminution de l'abreuvement et de l'alimentation,...). Et à l'arrivée le stress est encore là : peur de l'environnement inconnu, difficulté à trouver les mangeoires et abreuvoirs, réflexes de fuite retardant la recherche de l'eau et de la nourriture… Bref, l'organisme souffre. Et le stress entraîne automatiquement un affaiblissement des défenses immunitaires. Les microbes et les parasites, que l'oiseau portait en lui mais que son immunité parvenait à contenir, risquent de prendre le dessus. Très souvent les amateurs perdent leurs oiseaux dans les jours suivant l'introduction dans leur élevage. Ils croient que les oiseaux étaient déjà malades. Je pense plutôt que c'est un problème d'acclimatation : c'est le stress qui les a affaiblis, et ensuite n'importe quelle maladie, profitant de l'occasion, a causé leur mort. Pour ma part je traite systématiquement les oiseaux que je soumets à un déplacement, même sur une courte distance. Avant le départ, je donne à mes oiseaux un anti-coccidien. J'utilise APPERTEX*, qui a l'avantage d'être en comprimés : ainsi je fais avaler le médicament à l'oiseau, cela permet un traitement individuel, et au moins je suis sûr que le sujet visé a bien reçu son médicament. Et puis je donne à mes oiseaux un mélange de vitamines, d'acides aminés et d'oligo-éléments. J'utilise DUPHAMIX* SD, qui est indiqué chez les volailles lors de situation critique et en particulier de stress. Lors d'un déplacement avec exposition, je traite quatre jours avant, durant toute l'exposition, et cinq jours après le retour, pour les espèces les plus fragiles et sauvages. Par ce moyen, je pense que je réduis considérablement les pertes pendant l'acclimatation des oiseaux.
Comme je l'ai déjà exposé je fais en sorte que les changements subis par les animaux soient les plus progressifs possibles. Voici comment je procède avec la nourriture :
- je conserve l'aliment d'origine pendant 3 à 4 semaines
- puis je donne ¼ de mon aliment mélangé à ¾ de l'aliment d'origine pendant 15 jours
- puis 50% de mon aliment mélangé à 50% de l'aliment d'origine pendant 15 jours
- puis ¾ de mon aliment mélangé à ¼ de l'aliment d'origine pendant 15 jours
- enfin je passe définitivement à mon aliment.
MES CONDITIONS D'ÉLEVAGE
Comme j'habite le sud de la France, je peux facilement élever en plein air. Les oiseaux sont plus beaux, de plus la vie à l'air libre réduit les risques de maladie respiratoire. Je les garde dans de grandes volières sur terre battue, plantées d'arbustes et couvertes de grillage à petites mailles (11 mm) pour éviter la visite des Moineaux gourmands et porteurs de maladies. Les volières contiennent deux sortes d'abris : le premier abri avec sol béton pour déposer les abreuvoirs et mangeoires afin que la nourriture qui tombe ne soit pas souillé par la terre, le second pour se mettre à l'abri et se percher (voir photo).
Mon grand plaisir est de les apprivoiser, et de faire cohabiter plusieurs espèces. Réussir cette cohabitation en volière est tout un art, qui requiert de bien étudier les caractères des espèces concernées. Attention, ne pas se fier à la taille, certains oiseaux de petite taille se révèlent dangereux même pour des plus gros. Il est plus facile de parvenir à les faire cohabiter lorsque les sujets ont grandi ensemble. Comme j'élève le plus souvent en incubateur artificiel (bien que certaines de mes femelles couvent très bien), je peux habituer les oiseaux à vivre ensemble dès leur naissance si je le désire. Pour faire coexister pacifiquement des adultes d'espèces différentes qui ne se connaissent pas, il faut attendre l'automne (à l'arrêt de la reproduction, l'agressivité diminue en même temps que la pulsion sexuelle), et placer les deux couples (voire les deux trios) en même temps dans une volière qu'ils ne connaissent pas (terrain " neutre "). Pour ma part je mets toujours des trios pour éviter qu'en cas de mortalité d'une femelle le mâle ne se trouve seul et ne devienne agressif, comme je l'ai souvent observé. (S'il s'agit d'une espèce monogame, si les deux femelles vivent j'en enlève une plus tard lorsque j'ai la certitude que tout le monde va bien. Mais il faut toujours enlever la seconde femelle avant la saison de reproduction, sinon ce sont les deux femelles qui risquent de se battre !) Et je leur donne le traitement anti-stress déjà cité (anti-parasitaire + vitamines + acides aminés + oligo-éléments), une semaine avant pour les préparer au regroupement, et deux jours après, ensuite une semaine sur deux pendant un mois. (A ce propos attention au VITAVIL AMINÉ* : c'est un mélange de vitamines et d'acides aminés, c'est un bon produit qu'on peut utiliser, mais pas dans ce contexte car je trouve qu'il excite les oiseaux, j'ai peur qu'il réveille leur agressivité). En général je parviens à les faire cohabiter, mais il faut toujours bien surveiller. Actuellement j'ai un couple de Tragopans de Temminck (Tragopan temmincki) qui vit avec un couple de Perdrix Choukar (Alectoris chukar) et un trio de Perdrix rouges (Alectoris rufa). J'ai déjà fait vivre ensemble des Tétraogalles de l'Himalaya (Tetraogallus himalayensis) avec des Perdrix Choukar. Et puis il y a les irréductibles, ainsi je n'ai jamais réussi à faire cohabiter un couple de Faisans vénérés (Syrmaticus reevesi) avec une autre espèce : ces oiseaux sont des tueurs que je garde isolés. J'ai eu aussi des déboires avec la Colombine longup (Ocyphaps lophotes), elle attaquait les Faisans, j'ai dû les séparer ! Au passage je signale que je retrouve cette différence d'agressivité selon les espèces lors de la formation des couples : un mâle de Perdrix Choukar (Alectoris chukar) est capable d'agresser toutes les femelles qu'on lui présente (au risque de les tuer si on ne les retire pas à temps) avant d'en accepter une, alors que les mâles de Perdrix Philby (Alectoris philbyi) ne me posent pas de problèmes et acceptent en général la femelle que je leur présente. Il s'agit d'un oiseau très sociable que j'associe quelquefois à des jeunes d'autres espèces (du même âge) qui éprouvent des difficultés à se nourrir. On observe de telles différences pour tous les oiseaux.
J'essaie également d'habituer mes oiseaux à ma présence et à celle de mes deux chiens Boxers. Ainsi j'ai un mâle de Tétraogalle de l'Himalaya (Tetraogallus himalayensis) parfaitement apprivoisé (voir photo). Beaucoup de mes oiseaux viennent à ma rencontre quand je pénètre dans leur volière, car ils sont habitués à recevoir des friandises, et du coup ils acceptent le contact. Et je les habitue à rencontrer des enfants, ce qui est pour ces derniers une expérience inoubliable. Quant à mes chiens, ils sont prêts à tuer n'importe quel animal étranger, mais respectent mes oiseaux. Pour qu'ils fassent connaissance et acceptent les nouveaux venus, je place ces derniers dans une cage à même le sol dans mon jardin, et reste un long moment à côté de ladite cage avec mes chiens en leur parlant. Ensuite je laisse ce petit monde seul pour le reste de la journée, en surveillant de temps en temps. Après quoi je lâche les oiseaux en volière, et il n'y a plus de problème. J'ai eu un Tragopan en 1985 qui se perchait sur mon Pointer ou se faufilait entre ses pattes sans que le chien ne réagisse !
Je nourris mes oiseaux avec des granulés STARGIB pour gibier, " entretien " ou " reproduction " selon les saisons, auxquels j'ajoute des aliments frais en fonction de leurs besoins spécifiques.
J'attache une grande importance à la propreté et aux traitements anti-parasitaires, raison pour laquelle, à chaque entrée de volière, j'ai suspendu une paire de sabots de jardin, qui n'est utilisée que pour cette dernière et désinfectée fréquemment.
Mes oiseaux, occasionnellement, sont transportés dans ma camionnette, que je désinfecte avec PROPHYL* 75 en même temps que le casier de transport à chaque départ et retour.
En ce qui concerne mes œufs et couveuses, je les désinfecte en même temps au FUMI*.
Le sol en terre battue nécessite un entretien soigneux, car il y a un risque sérieux de contamination des oiseaux. C'est également pour cette raison que je ne fais jamais visiter mon élevage.
Mes volières ont toutes une partie cimentée couverte pour l'hygiène de la nourriture et de la boisson.
Dans ma région nous avons de longues périodes de sécheresse, durant lesquelles le sol devient très dur. Cela nécessite des précautions particulières, en particulier d'arroser abondamment pour une bonne pénétration des produits. Voici comment je procède :
Toutes mes volières ont une communication avec une " volière libre " destinée à recevoir les oiseaux des volières en cours de désinfection. A chaque changement d'occupants provisoires, je désinfecte la " volière libre " à l'eau de javel.
Pour les volières en tant que telles :
- la veille j'arrose le sol avec de l'eau.
- j'enlève la couche superficielle de sable et de fientes
- je griffe profondément le sol, pour permettre une bonne pénétration du produit
- j'arrose avec le désinfectant deux à trois fois en 24 heures.
- je veille à ne pas laisser se former de flaque de produit en piquetant le sol pour un écoulement plus rapide
- j'égalise
- j'étale une nouvelle couche de sable, que j'arrose également d'eau de javel.
Environ deux fois par an, aux périodes les plus propices au développement des maladies (humidité, chaleur), je retire les oiseaux et je traite avec PROPHYL*75, qui est un désinfectant (contre bactéries, virus et champignons). Il faut diluer 50 ml de produit dans 10 l d'eau, et répandre (la dose théorique est de 0,250 l par m2). Avec ce produit, il faut attendre au moins 48 heures avant de remettre les animaux.
Environ trois mois après ce traitement, je recommence en utilisant des produits utilisables en présence des oiseaux : soit une solution de sulfate de fer, soit l'eau de javel (environ un berlingot d'eau de javel pour 20 litres d'eau).
Mes volières sont couvertes de grillage, donc elles reçoivent les pluies, qui peuvent être violentes en Languedoc. De plus le type de sol que nous avons dans la région risque de favoriser la formation de flaques après les fortes pluies. J'ai donc imaginé un système de drainage : dans chaque volière, j'ai creusé deux tranchées, en diagonale, d'environ 30 à 40 cm de largeur et 50 cm de profondeur. L'eau en excès s'y accumule. Et comme je les ai remplies de gravier, la surface est à peu près sèche. Lorsque je traite le terrain par arrosage, j'insiste beaucoup sur ces tranchées pour que le désinfectant y pénètre bien jusqu'au fond.
Je traite préventivement tous mes oiseaux contre les vers, la coccidiose et la trichomonose. Je traite contre la coccidiose tous les trimestres en changeant de produit à chaque fois. Parmi les médicaments utilisables, je peux conseiller COCCILYSE* contre la coccidiose, et TRICHOLYSE* contre la trichomonose, les deux s'utilisent dans l'eau de boisson. Si malgré tout j'ai un oiseau malade, j'isole le sujet malade pour le traiter avec des cachets et déplace momentanément les autres sujets présumés contaminés dans une volière conçue à cet effet. Il s'agit d'une grande volière très aérée construite sur une dalle de béton ce qui permet de nettoyer et désinfecter quotidiennement avec un maximum d'efficacité. Je traite tous les autres sujets de la volière (qui sont présumés contaminés) dans l'eau de boisson. Sachant qu'un oiseau malade risque de manger et de boire moins, je lui administre de préférence des médicaments en comprimés que je lui fais avaler (exemple : APPERTEX*), ainsi je suis sûr de la dose qu'il reçoit.
Actuellement je suis en train de réduire la taille de mon élevage, pour raison de santé. Mais j'ai encore des projets. Ainsi je vais essayer de faire cohabiter deux couples de Tétraogalles de l'Himalaya avec mes Tragopans de Temminck et mes Perdrix. "
Merci à Raymond Bouquet pour ce témoignage, voici une somme d'informations importantes,
dont les éleveurs sauront tirer profit. J'espère que nos prochaines rencontres produiront
d'autres articles aussi précieux.
Cet article est extrait, avec autorisation, de la revue du club technique colombes, cailles et colins, qui publie régulièrement des informations de qualité dans la revue de l'Union ornithologique française
* La nouvelle réglementation semble avoir modifié la situation : lire à ce propos le numéro de novembre 2004 des " Oiseaux du Monde " (note du CT3C).
Rubrique CT3C
Texte Raymond Bouquet
L'histoire de Moïse
Un jour, en 1982, je trouvai un œuf pondu un peu tard dans une de mes volières. La saison de reproduction était terminée, et je ne voulais pas rallumer un incubateur artificiel pour un seul œuf. A cette époque j'avais un couple de Pigeons domestiques de race, très bons reproducteurs, en couvaison. Alors je plaçai l'œuf dans leur nid. Ces oiseaux, très apprivoisés, à qui j'avais donné l'habitude de prendre et remettre leurs œufs dans le nid, ne parurent pas s'offusquer de devoir soudain couver trois œufs au lieu de deux, ni de la différence de taille ou de couleur. Mais à l'éclosion du poussin, ils ne savaient plus quoi en faire ! Le nouveau-né était un Faisan doré (Chrysolophus pictus), donc il était couvert de duvet bouffant, il voyait, marchait, picorait et gazouillait. Mes Pigeons ne connaissaient que leurs propres jeunes, qui étaient presque nus, aveugles, sans force, et silencieux, les premiers jours. (Voir photos). Ils ne pouvaient plus s'occuper du rescapé (que ma femme et moi avions appelé Moïse). J'ai donc tenté de le confier à une poule naine, espèce mieux adaptée à ce type de bébé nidifuge. La brave Poule a bien voulu de Moïse et lui a servi de maman le temps qu'il a fallu. Bien entendu, Moïse, élevé en " enfant unique ", était parfaitement apprivoisé. En devenant adulte, il s'est révélé être un mâle. Comme on le voit sur les photos, il était de couleur " isabelle ". Fort de son statut de " chouchou ", rien ne lui faisait peur, et il imposait son autorité à tous les autres mâles de Phasianidés de la volière. Mais les évènements m'ont contraint à détenir moins d'oiseaux, et j'ai donné Moïse à un ami. Quatre ans plus tard, cet ami, obligé de s'absenter, me confie la garde de Moïse pour quelques temps. A peine arrivé, Moïse reprenait ses habitudes chez nous comme s'il était parti seulement la veille, et il se remit aussitôt à imposer son autorité à ses colocataires ! N'importe quel autre oiseau se serait montré dépaysé au moins quelques jours, mais lui n'avait rien oublié, et a repris instantanément son ancienne place. Cela prouve bien que les oiseaux aussi sont capables de mémoire, même les espèces les moins réputées comme un " simple " Faisan. Du coup, le voyant tellement " chez lui ", j'ai obtenu de mon ami, qui manquait de place dans ses volières, l'autorisation de garder Moïse. Il est mort chez moi, longtemps après, à l'âge de 13 ans.
Des Tragopans apprivoisés
J'aime que mes oiseaux soient en confiance, alors dans la mesure du possible je les apprivoise.
La gourmandise naturelle des Phasianidés m'aide beaucoup.
C'est ainsi que j'ai habitué
mon couple de Tragopans de Temminck (Tragopan temmincki) à recevoir des friandises lorsque
je pénètre dans leur volière. Je leur offre des fruits, principalement de la pomme. Lorsque
j'ai commencé ils étaient encore jeunes, et en plumage juvénile.
Aujourd'hui,
conditionnés, ils s'avancent vers toute personne qui rentre dans leur volière, recherchant
le " cadeau " habituel.
Lorsque je reçois des invités, surtout des enfants, je leur propose
de nourrir à la main ces oiseaux magnifiques : la première précaution concerne l'ouverture
de la porte, car ils n'ont aucune appréhension et s'avancent en confiance : j'ai toujours
peur d'en perdre un !
Une autre précaution indispensable est de revêtir un habit adapté,
parce que mes oiseaux n'hésitent pas à se percher sur les visiteurs pour mendier, et
alors gare aux taches !
On voit sur la photo que Pierre Lopez a pu photographier la femelle
de très près, car elle se souciait surtout de savoir si l'appareil photo était comestible,
et n'avait aucune peur de lui !
En conclusion j'espère que mes expériences pourront être utiles à d'autres amateurs, je crois
que toutes les informations sur les oiseaux de volière sont bonnes à prendre, elles font
progresser nos connaissances et nous rendent plus efficaces dans notre hobby.
*Note du CT3C : actuellement le Faisan de Swinhoe (Lophura swinhoii) est classé en Union Européenne en annexe A.
Texte et photos Raymond Bouquet (propos recueillis par Thierry Girod).
Les problèmes
Malgré tous mes efforts, j'avais du mal à les acclimater.
J'ai cherché dans plusieurs livres pour comprendre ce qui n'allait pas chez moi.
Je leur proposais pourtant de grands espaces, bien aérés, une nourriture que
je pensais saine… Et puis j'ai découvert que dans leur milieu naturel les
Colins sont adaptés aux régions arides. Chez moi le climat est méditerranéen,
mais cela signifie aussi qu'à certaines périodes il pleut beaucoup.
Et lorsque le vent souffle du sud, il apporte beaucoup d'humidité de la
Méditerranée. Le sol était alors trop humide pour eux, provoquant
diverses maladies. Seule exception, le Colin de Virginie, lui,
s'élève très bien sur le sol et ne nécessite pas le dispositif que je vais décrire.
J'ai donc imaginé un dispositif qui permette à mes Colins de vivre loin du sol.
Je leur ai conçu des cages posées sur des rondins de bois, et au fond j'ai laissé
du grillage pour que les fientes tombent et que leur habitat reste propre.
L'armature est en galvanisé, léger, solide et sain (photo 1). J'ai défini
deux parties distinctes : une fermée, en bois, permettant aux oiseaux de
s'abriter et de se cacher, et contenant mangeoire et abreuvoir, l'autre entièrement
grillagée leur offrant le grand air.
Pour la réalisation pratique et la construction j'ai fait appel à un ami
disposant d'un poste à souder, c'est lui qu'on entrevoit sur la photo 2.
J'ai divisé chaque partie en deux, pour des raisons pratiques :
cela fait donc quatre zones dans chaque cage, on les voit sur les photos
3 et 4, pour simplifier je les ai identifiées pas des lettres : A, B, C et D.
- Les compartiments A et B sont dans la partie fermée, séparés par une cloison.
Le compartiment A contient la mangeoire et l'abreuvoir. Les Colins ne peuvent pas y entrer,
ils restent dans la partie B et se nourrissent et boivent grâce à des trous aménagés dans
la cloison (voir photo 4). Il n'y a qu'un couvercle à la partie fermée, aussi j'ai ajouté un
deuxième couvercle grillagé, seulement sur la partie B : ainsi lorsque j'ouvrais le premier
couvercle, la partie B restait fermée par le grillage, et je pouvais changer l'eau et la
nourriture sans risque de fuite pour les Colins (voir photo 3). Je préfère que les aliments
et l'eau soient abrités, pour leur meilleure conservation. De plus avec ce procédé les oiseaux
ne risquent pas de marcher dedans.
- Les Colins peuvent passer du compartiment B (fermé) à la partie ouverte (compartiments C puis D)
par deux ouvertures aménagées dans la paroi de bois qui ferme le compartiment B (voir photos 3 et 4).
- Les compartiments C et D correspondent à la partie entièrement grillagée. Ils ne sont
pas séparés, mais j'ai disposé au-dessus de l'ensemble de mes cages un toit qui ne recouvrait
que le compartiment C, ce qui permet aux oiseaux, s'ils le désirent, de se tenir à l'air
libre à l'abri des intempéries. S'ils se mettent dans la partie C ils sont protégés par le toit,
dans la partie D ils reçoivent, selon les cas, le soleil ou la pluie.
- J'ai laissé une petite fente entre les compartiments B et C, on la voit sur la photo 4 :
cela me permettait de glisser une planche ou une grille en travers de la cage, pour fermer
les trous de communication entre les parties B et C. De la sorte je pouvais enfermer mes Colins
d'un côté ou de l'autre, et effectuer mes travaux de nettoyage et d'entretien sans risque de fuite.
J'accolais
les cages deux à deux, en plaçant les portes sur les côtés opposés.
J'ai aussi fabriqué des cages avec une porte de chaque côté, ainsi je pouvais
placer ces cages indifféremment à droite ou à gauche de l'ensemble selon mes besoins.
La photo ci-contre montre l'ensemble de l'installation, avec le toit qui ne protège que
les compartiments A, B et C, laissant le compartiment D exposé.
A l'origine mon but était de trouver un moyen d'isoler mes Colins du sol.
Et peu à peu, à force de perfectionnements, j'en suis arrivé à ce modèle
qui me donnait toute satisfaction. Ce système implique que les œufs soient
récoltés deux fois par jour et placés en incubateur artificiel car la femelle
ne peut pas y faire de nid. Je plaçais un couple ou un trio par cage,
parfois plusieurs couples si les oiseaux s'entendaient bien. D'ailleurs
les Colins écaillés mâles semblaient apprécier d'avoir plusieurs femelles.
Quel est l'intérêt de l'élevage sur grillage ? C'est d'empêcher le contact entre
les oiseaux et leurs fientes. Par définition les fientes des oiseaux tombent n'importe où.
Même si les oiseaux ne picorent pas leurs fientes (bien que beaucoup le fassent),
ils risquent en picorant le sol ou les perchoirs d'avaler des particules de fientes
très petites. Pour la digestion ou la nutrition c'est sans importance, mais le problème
c'est que les fientes contiennent souvent des œufs de parasites ou des bactéries.
Elles les contiennent parce que l'intestin de l'oiseau les contient. Alors quelle
différence s'il en remange ? La différence c'est souvent le nombre. Pendant
leur séjour à l'air libre dans les matières fécales de l'oiseau, beaucoup de
parasites en profitent pour devenir plus dangereux. Certains en effet ont besoin
d'oxygène pour achever leur cycle, et ils contamineront plus facilement par la
suite les oiseaux qui les avaleront à leur insu. Certaines coccidies par exemple
ont absolument besoin de ce passage à l'extérieur pour pouvoir contaminer à nouveaux
d'autres tubes digestifs d'oiseaux. De sorte que le nombre des parasites augmente dans
l'intestin de nos oiseaux, au fur et à mesure des recontaminations. Et n'allez pas
croire que c'est un problème spécifique aux Colins. Les coccidies sont très répandues
chez les oiseaux, et dans de très nombreuses espèces. Le genre le plus connu de
coccidies s'appelle Eimeria, il a été plus souvent décrit car il concerne les
animaux de ferme. Mais toutes nos espèces d'oiseaux d'agrément sont concernées.
Le Canari n'est pas à l'abri de ces parasites : chez lui l'espèce rencontrée le
plus souvent s'appelle, selon les auteurs, Atoxoplasma, Lankestarella ou Isospora.
Il existe des médicaments curatifs efficaces, mais la maladie cause des dégâts et
fait courir un danger mortel aux oiseaux. Il vaut mieux la prévenir. De plus il est
souvent illusoire d'espérer détruire tous les parasites vivant dans le corps des
oiseaux, si bien qu'après un traitement les oiseaux n'ont plus de symptômes, mais
il reste quelques parasites qui vont peu à peu reconstituer l'effectif. C'est à ce
niveau qu'intervient l'immunité de l'oiseau, capable dans de bonnes conditions de
retarder et de limiter cette prolifération. C'est pourquoi tous les soins qui visent
à améliorer le confort et la santé des animaux (alimentation saine et adaptée,
vitamines, activité physique, absence de stress,…) renforcent leur immunité et
améliorent leur qualité de vie.
La prévention de cette parasitose consiste à empêcher l'oiseau d'ingérer des matières
souillées par des fientes, susceptibles de le contaminer avec de nouveaux parasites.
Pour cela il faut empêcher autant que possible le contact entre les oiseaux et les
fientes. Voici quelques mesures applicables :
- nettoyer souvent mangeoires et abreuvoirs pour éviter que les fientes ne viennent
les souiller et les contaminer éventuellement.
- retirer les fientes chaque jour pour que les parasites n'aient pas le temps de devenir
contaminants entre deux nettoyages. Même s'il peut rester des particules trop petites
pour être détectées, et même si les nettoyages ne sont jamais assez fréquents,
cela réduit toujours l'exposition des oiseaux au risque.
- élever sur un sol sec (ciment, carrelage,…), sans terre ni sable au sol, et protéger
la volière de la pluie, pour que la sécheresse relative inhibe la maturation des parasites.
Cela ne concerne que certaines espèces de coccidies, et la sècheresse du sol est difficile
à assurer par tous les temps, mais là encore cette précaution protègera nos oiseaux, contre
ces coccidies mais aussi contre les autres parasites et même les bactéries.
- élever sur grillage ou caillebotis pour que les fientes tombent à travers, ainsi
les oiseaux ne se recontaminent pas. Il restera toujours des particules accrochées
au grillage, mais la plus grande partie des fientes devient hors d'atteinte des oiseaux.
Toutes ces précautions, malgré leurs imperfections, s'avèrent efficaces et réduisent
la prolifération des parasites (y compris les vers intestinaux).
Mon système, sur grillage, permet à l'oiseau de ne plus avoir de contact avec
ses fientes qui tombent à travers le grillage. La lutte contre les coccidies
aide ainsi à prévenir d'autres maladies. Bien entendu, je ne prétends pas avoir
trouvé l'arme absolue, ni être l'inventeur de l'élevage sur grillage
(dont le principe est bien connu), mais j'ai constaté à l'usage que mon installation
me donnait toute satisfaction. Mes Colins se portaient mieux et prospéraient.
Certains éleveurs de Colins se sont inspirés de mes cages pour leur propre élevage.
C'est bien volontiers que je leur faisais profiter de mes expériences.
Et c'est aussi dans ce but que j'ai écrit cet article.
Une fois convaincu de la valeur de ce principe, je l'ai appliqué à mes Perdrix.
Mais comme elles sont plus lourdes, le petit grillage du fond ne suffisait plus,
j'ai dû modifier légèrement le modèle en agrandissant un peu les cages
et en faisant vivre les animaux sur un grillage plus gros. Le grillage
choisi pour les Colins n'aurait pas supporté leur poids. Attention quand
même de ne pas utiliser des mailles de plus de 11 mm, sinon les Moineaux
rentrent dans les cages pour piller la nourriture, et au passage propagent
des maladies. En fait pour les Perdrix il faut un premier grillage de
11 mm pour permettre aux oiseaux de marcher sans s'abîmer les pattes,
et dessous un grillage plus rigide pour la solidité, la taille de la maille
étant indifférente.
Pour les amateurs que cela intéresse, j'ai fait un schéma de ma cage-type. Les cotes sont en centimètres. Les cotes entre parenthèses concernent le modèle plus grand, destiné à des Perdrix ou à un groupe de Colins plus important.
Périodes | Maladies |
Janvier | |
Février (1ère quinzaine) | Vers |
Mars (1ère quinzaine) | Coccidiose * |
Avril (2ème quinzaine) | Trichomonose & coryza * |
Mai | |
Juin (2ème quinzaine) | Vers |
Juillet (2ème quinzaine) | Coccidiose * |
Août (2ème quinzaine) | Trichomonose & coryza * |
Septembre (2ème quinzaine) | Vers |
Octobre | |
Novembre (1ère quinzaine) | Coccidiose * |
Décembre (1ère quinzaine) | Trichomonose & coryza * |
Périodes | Maladies |
Janvier (1ère quinzaine) | Coccidiose * |
Février (1ère quinzaine) | Trichomonose & coryza * |
Mars (1ère quinzaine) | Vers |
Avril (2ème quinzaine) | Coccidiose * |
Mai | |
Juin (2ème quinzaine) | Vers |
Juillet (1ère quinzaine) | Trichomonose & coryza * |
Août (2ème quinzaine) | Coccidiose * |
Septembre | Vers |
Octobre | Trichomose & coryza * |
Novembre (1ère quinzaine) | Coccidiose * |
Décembre (1ère quinzaine) | Vers |
Texte Raymond Bouquet (propos recueillis par Thierry Girod)
Mâle de Tétras-Lyre et mâle de Colombine Turvert : la différence de taille est impressionnante. (Photo & élevage Raymond Bouquet) | Abri avec les mangeoires des Tétras (photo & élevage Raymond Bouquet) |
|
Abri pour les Tétras avec perchoirs (photo & élevage Raymond Bouquet) | L'une des volières de Colombines turvert à l'intérieur de la grande volière des Tétras-lyre : on voit bien l'entrée avec sa planche d'accès. (Photo & élevage Raymond Bouquet). |
On voit bien ici l'orifice permettant le passage des Colombes pour entrer et sortir de leur volière (au-dessus de la tête du Tétras-lyre). Le Tétras est nettement trop gros. (Photo & élevage Raymond Bouquet) | La mangeoire des Colombes à l'intérieur d'une cage avec petit orifice d'accès. (Photo & élevage Raymond Bouquet) |
Tétras-lyre et Colombines Iurvert ensemble dans la volière. (Photo & élevage Raymond Bouquet) | Vue de la volière avec les mangeoires. (Photo & élevage Raymond Bouquet) |
Les trois espèces dans la volière (photo Thierry Girod, élevage Raymond Bouquet) | Photo Thierry Girod, élevage Raymond Bouquet |
Groupe de Colombines turvert dans la partie commune. (Photo Thierry Girod, élevage Raymond Bouquet) | Les deux espèces de Colombes n'occupent pas les mêmes étages de la volière. (Photo Thierry Girod, élevage Raymond Bouquet) |
NOTE DU CT3C : l'Arrêté interministériel du 10 août 2004 qui réglemente les élevages d'agrément d'animaux d'espèces non domestiques impose que la détention de Tétraonidés soit soumise à une autorisation d'ouverture d'établissement et que leur éleveur soit titulaire du certificat de capacité. Raymond Bouquet détient ses Tétras conformément à l'article 26 de cet arrêté, avec l'autorisation de la DDSV de son département.
Texte Raymond Bouquet, propos recueillis par Thierry Girod.
Alimentation
Je les nourris avec des granulés pour gibier (Stargib*), "entretien" ou "reproduction" selon la période, pendant la période d'élevage j'ajoute de la vitamine E, et toute l'année un mélange de graines pour Pigeons. Ne croyez pas qu'en laissant des graines de Pigeons en permanence mes Perdrix délaissent leurs granulés: en fait les oiseaux se régulent d'eux-mêmes. Pendant la mue je donne un complément alimentaire pour les soutenir pendant cette période critique. J'utilise plusieurs compléments que j'alterne, et j'utilise leurs propriétés : ainsi je donne plutôt un produit qui excite (comme le Vitavil Aminé*) lorsque je souhaite que mes oiseaux soient actifs, et au contraire en cas de besoin je préfère un médicament qui les calme (comme le Duphamix*). Je distribue aussi des friandises: salade, fruits, pâtée insectivores, asticots, vers de farine. Leur régal, c'est le pain sec coupé en tranches.
Traitements préventifs
Je les traite préventivement contre les parasites. J'utilise Ivomec* en application sur la membrane alaire 2 fois par an, contre les parasites externes et les vers ronds. Je vermifuge mes oiseaux et je les traite contre la coccidiose et la trichomonose 3 à 4 fois par an. Je fais suivre ces traitements d'une cure de vitamines, avec Floratonyl*. Mes méthodes d'élevage et mes traitements préventifs ont été décrits dans un précédent article (voir "Les Oiseaux du Monde" avril 2005).
Elevage
Les cohabitants des Perdrix Choukar : au fond Tétraogalle de l'Himalaya, à gauche Tragopan de Temminck, à droite Perdrix rouge. Photo & élevage Raymond Bouquet. |
Très beau mâle plusieurs fois champion en concours. Photo & élevage Raymond Bouquet |
Compagnie photo & élevage Raymond Bouquet. |
Abri contenant les mangeoires, l'abreuvoir et le nid. Photo Thierry Girod, élevage Raymond Bouquet. |
De gauche à droite : abreuvoir, mangeoire à grit, mangeoire à granulés, à droite nid, devant le nid 2 mangeoires à graines. Photo Thierry Girod, élevage Raymond Bouquet. |
Cage d'accouplement, avec séparation grillagée amovible. Photo Thierry Girod, élevage Raymond Bouquet |
Œufs en attente posés sur la partie non chauffante d'une couveuse : la machine les retourne régulièrement. Photo & élevage Raymond Bouquet |
Elevage naturel : couveuse. Photo & élevage Raymond Bouquet |
Elevage naturel : l'éclosion (le poussin au fond à droite est un mutant "pastel"). Photo & élevage Raymond Bouquet. |
Femelle avec ses poussins. Photo & élevage Raymond Bouquet. |
Elevage artificiel : l'éleveuse. Photo Thierry Girod, élevage Raymond Bouquet |
Mangeoire à miettes et abreuvoir disposés dans l'éleveuse pour les perdreaux nouveau-nés. Photo Thierry Girod, élevage Raymond Bouquet |
Hybridation
L'hybridation entre oiseaux du même genre est possible. Je fais cohabiter mes Choukar avec des Perdrix rouges, en enlevant journellement les œufs. Une fois il m'est arrivé accidentellement de découvrir que des poussins nés dans un recoin étaient hybrides. Certains éleveurs disent que ces hybrides sont stériles, je n'en ai aucune idée puisque je ne les fais pas reproduire. Peut-être le sens du croisement joue-t-il un rôle dans la fertilité des hybrides ? Ces oiseaux n'ont pas d'avenir, s'ils ne sont pas stériles ils ne peuvent que s'accoupler avec une des deux espèces parentales, et par ce fait la "polluer" génétiquement. Je ne les garde pas. Comme je ne mange pas mes oiseaux, je fais cadeau de ces hybrides à des amis, comme oiseaux de volière.
Mutations
Mutation pastel. Photo & élevage Raymond Bouquet |