Le Dendrocygne d'Eyton

Dendrocygna eytoni
 Famille : Anatidés
Sous famille : Anserinés
Tribu : Dendrocygnes

Découverte et décrite pour la première fois en 1838 par le taxonomiste Eyton sous le nom de leptotarsis eytoni, cette espèce est désormais rattachée à la tribu des Dendrocygnes.
Description

Le mâle et la femelle ont un plumage absolument identique : le dessus est vert bronze brillant, la poitrine olive clair est striée de barres noires. La tête et la nuque sont chamois et la gorge présente une coloration crème. Mais ce qui distingue principalement ce dendrocygne à l'attention générale, c'est ce spectaculaire éventail de longues et larges plumes jaunes liserées de noir qui s'érige à chacun de ses flancs. Le bec est rosé piqueté de noir, les pattes et les palmes sont couleur chair. Les immatures ont la totalité du corps brun pâle avec des marques de poitrine très diluées.

Distribution
Il s'agit d'une espèce spécifique à l'Australie, cependant on retrouve certaines populations en Tasmanie, Nouvelle - Zélande et Nouvelle - Guinée sans pour autant présenter de signes de variation géographique. La densité la plus importante se trouve sous les tropiques, dans les riches pâturages occidentaux du Queensland.

Habitat
Pendant la saison des pluies, qui correspond à l'époque de reproduction, la luxuriance de la végétation des prairies tropicales attire bien évidemment les Dendrocygnes d'Eyton. Par contre, durant la saison sèche, il se rassemblent en grandes concentrations sur les berges dénudées des marais, des lacs, des rivières et des lagons.

Nourriture
Comme tous les autres Dendrocygnes, ils se nourrissent principalement le soir et la nuit, moment où ils deviennent très bruyants et où ils s'envolent par petits groupes en quête de nourriture sur les berges marécageuses ou dans les plaines herbeuses. Leur régime se compose uniquement de végétaux, principalement de graminées, millet et froment, sans pour autant dédaigner le riz sauvage, les joncs et les roseaux. Tout en mangeant, ils ne cessent de s'agiter, vont et viennent, tournicotent et surtout sifflent sans relâche.

Comportement
C'est un oiseau timide et essentiellement nocturne. Dans la journée, on en trouve rassemblés en petits groupes compacts barbotant sur les berges marécageuses en eaux peu profondes, mais, dès le soir venu, ils s'envolent vers leur lieu de nourriture favori d'un vol lent et ample. Ce sont des oiseaux plus à leur aise sur terre que sur l'eau, capables de parcourir en marchant de longues distances tout en restant très gracieux lorsqu'ils évoluent, Ils semblent étrangement bien plus gauches sur l'eau, comme si leur ligne de flottaison était désaxée : ils nagent souvent penchés an avant, lentement et maladroitement. Tout à fait aptes à la plongée, ils ne la pratiquent que rarement, sauf s'ils sont blessés, Ils se différencient de la tribu des dendrocygnes par leur faculté de se percher, aptitude qu'ils ne partagent qu'avec le Dendrocygne à ventre noir.
La parade est un moment intense d'agressivité entre les mâles qui avec l'arrivée de la saison des pluies semblent perpétuellement an conflit.
Le Dendrocygne d'Eyton est monogame et, dans la plupart des cas, il semble que les liens du couple persistent tout au long de leur vie.

Reproduction
La période de pointe se situe en février et mars, mais une saison des pluies plus précoce ou plus persistante va induire des pontes exceptionnelles dès janvier ou jusqu'en mai. Le nid va être édifié au milieu d'une végétation de joncs, roseaux, herbes hautes, etc. Il s'agit d'une simple excavation dans le sol dont le fond et les bords vont être tapissés d'herbes sans adjonction aucune de duvet. La femelle va y pondre des oeufs d'un blanc immaculé, d'une taille approximative de 48 x 36 cm, 10 à 12 constituera une moyenne. Ils seront couvés conjointement par le mâle et par la femelle pendant 28 jours à l'issue desquels les parents se partageront l'éducation des jeunes.

EXPERIENCE PERSONNELLE
Lorsque j'ai acquis, en 1988 mes premiers Dendrocygnes, je ne savais pas encore à quel point ces oiseaux étaient attachants. J'avais commencé par des Bicolores, bientôt ce fut le tour des Veufs, des Ventres noirs pour en arriver aux Eyton en 1993.
Comme beaucoup d'éleveurs, j'avais eu, il est vrai, une certaine réticence face à l'acquisition de ces oiseaux réputés fragiles et, habitant alors une région très froide de l'Est de la France, j'avais longtemps hésité. Puis, je sautai le pas... et bien m'en a pris. Car, s'il y a une vérité qu'il faut asseoir à tout prix, c'est bien que l'élevage des Dendrocygnes est fort simple sous certaines conditions sur lesquelles je reviendrai plus loin.
Possédant maintenant 4 autres espèces de dendrocygnes, j'ai tout loisir d'établir des comparaisons, bien qu'en fait chaque espèce soit incomparable... Et je dois reconnaître que, de tous, le Eyton est, de loin, le plus actif et le plus remarquable par son attitude spécifique.
Contrairement aux Veufs qui se ménagent de longues plages de repos tout au long du jour, les Eyton ne cessent d'aller et venir, curieux de tout. Leurs veux, jaune pâle dans la lumière du soleil, sont toujours braqués dans toutes les directions et ils vous regardent avec un petit air penché qui leur donne un air effronté. Lorsque, deux fois par jour, nous allons sur le terrain pour la distribution de friandises aux uns et aux autres, ils sont presque toujours les premiers à siffler de contentement, bien avant que quiconque ne nous ait encore aperçus. Puis, ils arrivent en courant, dansant tels des ballerines, dressés sur la pointe de leurs palmes. La grâce à l'état pur... Ensuite, ils s'arrêtent à quelques mètres de nous, en position de parade, le mâle tournoyant en déployant une aile tout en émettant un sifflement plus rauque qu'à l'ordinaire ce qui nous permet de le différencier de la femelle rien qu'à la voix.
Ce sont des oiseaux grégaires, comme tous les dendrocvgnes, et, étant le seul couple de leur espèce au départ, ils se sont constitué un quatuor en admettant avec eux un couple de Veufs ; je me dois de préciser que sur la trentaine de dendrocygnes qui cohabitent dans le parc ce sont bien les seuls dont ils tolèrent la proximité. En fait, ce sont des oiseaux qui montrent une certaine agressivité et savent très bien défendre leur territoire.
Nous leur avons adjoint récemment 3 immatures, n'ayant pas eu de reproduction cette année, ils les ont adoptés avec un enthousiasme incroyable à imaginer n'hésitant pas à intimider et à repousser notre couple de cygnes noirs si besoin est : cou et corps tendu horizontalement, bec en avant de vraies terreurs ! Les jeunes sont encore rentrés tous les soirs dans un local chauffé et leur arrivée dans le parc chaque jour s'accompagne d'un ballet et des cris de joie absolument délirants.
Comme alimentation, ils se contentent d'un mélange de granulés pour aquatique et de blé. Si vous voulez leur faire une faveur, donnez - leur des lentilles d'eau, ils s'en régalent. Si vous avez un parcours enherbé, tondez - le régulièrement : ils préfèrent une herbe courte et drue sur laquelle ils parcourent de grandes distances ; c'est un plaisir de les entendre siffler de contentement tout en "pâturant".
Dans l'eau, ils préfèrent les bords des pièces d'eau où ils peuvent marcher et barboter à leur aise. Possédant auparavant des plans d'eau et des ruisseaux creusés dans la roche dont le fond était tapissé de sable et de galets, je dois reconnaître que je ne les avais jamais vu plonger. Depuis cet été, les plans d'eau sont établis dans une terre argileuse et à notre grande surprise, nous les voyons quasi quotidiennement effectuer des plongeons spectaculaires lorsque nous lançons du "floating" aux plongeurs. L'émulation sans doute... Et question apnée, eh bien, ils ne se défendent pas mal du tout, tant les adultes que les petits adoptés.
Comme je l'ai dit précédemment, nous n'avons pas encore eu de reproduction cette année avec notre couple d'adultes : nous avons dû déménager en pleine époque de reproduction. Cependant, j'ai deux amis qui n'ont aucune difficulté, et ce, depuis de nombreuses années.
Chez le premier, en Allemagne, la ponte commence généralement vers la fin juin et se prolonge jusqu'en septembre. Il confie systématiquement l'incubation et l'élevage à des poules naines : Nègre - soie et croisements, laissant seulement son plus vieux couple s'occuper de sa deuxième ponte. Son opinion est la suivante : les parents sont de bons éleveurs, l'incubation sous les parents augmente les chances d'éclosion du simple au double, mais :
- dans les régions ou les nuits d'été restent fraîches, il faut être très vigilant, car les parents commencent très top à arpenter leur domaine et les petits risquent un refroidissement fatal.
- ils font des kilomètres dans une journée dans leur petit enclos et les jeunes finissent par peiner sur leurs petites pattes.
Chez le second, M.L., dans l'Ouest de la France, il a bien voulu me donner des données plus précises quant à ses observations.
Il possède un trio qui a 10 ans maintenant et qui s'est mis à reproduire en 3ème année. La première ponte a toujours lieu à la mi-juillet et la seconde un mois plus tard.
Sur 7 années de reproduction, la moyenne d'oeufs par ponte est de 10 oeufs et le pourcentage de fécondation s'est toujours situé entre 40 et 50%, sauf en 1994 où il a culminé entre 80 et 90 %, sans qu'il se l'explique et sans modification du site, ni de l'alimentation. Peut -être une plus grande maturité du mâle... Seules les couvées à venir pourront confirmer on infirmer cette hypothèse.
Chez cet éleveur l'incubation est confiée également à des poules naines et l'éclosion s'effectue dans un éclosoir. Après complet séchage (36 - 48 h.), les canetons sont placés dans une éleveuse sur grillage, avec un coin repos - repas et une petite pataugeoire alimentée par un goutte à goutte. L'alimentation de base est la semoulette, mais il dispose des vers de farine dans la semoulette ce qui, invariablement, suscite leur curiosité et leur appétence. Il distribue également des lentilles d'eau dont ils sont friands. Passés quinze jours, ils se dirigent vers des petits parcs pourvus d'un abri avec lampe et d'un petit bassin où ils vont rester jusqu'à emplumement, en moyenne deux à trois semaines plus tard, et où ils vont s'habituer progressivement aux granulés.
De son expérience personnelle , M.L. retient que ce sont des oiseaux très attachants, mais qui ont un "foutu caractère". Comme chaque cas est bien particulier, chez lui, ils ne supportent absolument pas les Veufs, mais s'entendent très bien avec les Dendrocygnes tachetés et les Cuba. A noter absolument : le dessin du dessous de l'aile et du flanc lorsqu'ils soulèvent leurs ailes et qui, à son goût, est tout aussi spectaculaire que les longues plumes de l'éventail.
Voilà donc ce petit tour d'horizon sur le Eyton pratiquement terminé. Il est loin d'être complet, mais vous qui élevez ces oiseaux n'hésitez pas à nous confier vos propres expériences : la plus petite soit - elle, enrichira toujours quelqu'un et c'est souvent grâce au cumul des observations que l'on peut enfin donner une systématique globale. Vous qui n'en avez pas encore, n'hésitez plus : vous vous privez d'un spectacle qui saura vous ravir les yeux.
Je terminerai cet article par quelques conseils indispensables et préalables à la détention des Dendrocygnes.
Ce sont des oiseaux qui ne sont pas délicats dès lors qu'ils sont adultes et que des précautions sont prises si les gelées sont fortes et persistantes. En effet, contrairement aux autres canards, ils ne savent pas instinctivement se protéger les pattes du froid et le gel peut leur causer de graves dommages.
J'ai eu entre les mains, il y a 3 ans, un dendrocygne veuf qui souffrait d'engelures à une patte : je l'avais récupéré par - 15°C dans un enclos plein de neige, sans aucun abri. La pauvre bête a souffert un martyre, car malgré tous les soins que je lui apportai alors, la gangrène s'est installée, la patte est tombée, j'ai dû euthanasier cette pauvre bête, victime d'un éleveur irresponsable (si l'on peut appeler ça un éleveur !)
Cette digression générale n'est pas hors de propos : au moment où j'écris, l'hiver est là, il fait - 5°C depuis deux nuits maintenant. J'ai encore une pièce d'eau ouverte, mais demain je rentrerai tous mes dendrocygnes. Il vaut toujours mieux pêcher par excès de prudence. Si vous pouvez disposer un abri sur votre parcours, mettez - le en place en automne pour qu'ils s'y habituent, Incitez - les à y pénétrer en distribuant la nourriture dans cet abri. Au moment des grands froids, si vous êtes sûrs qu'ils y passent bien la nuit, branchez une lampe. L'idéal, bien sûr, c'est de les rentrer dans une dépendance fermée, grange, cave.., sur une litière de tourbe en leur laissant de l'eau pour barboter dans un récipient, tout est bon pourvu que ce ne soit pas trop haut, ni trop profond. L'essentiel est qu'ils puissent continuer à entretenir leur imperméabilité, sinon lorsque vous les ressortirez après quelques jours, ils risquent de mouiller (prendre l'eau) voire même de se noyer.
Cette règle est valable pour tous les dendrocygnes, tout en sachant que les Bicolores sont les moins fragiles et qu'une bonne protection type juniperus sous lesquels vous aurez eu soin de mettre de la paille peut leur suffire tant que le froid n'est pas trop mordant.
A partir de ces précautions, il est possible d'élever des dendrocygnes même par - 30°C et je parle par expérience.
Même si nous devons passer quelques heures supplémentaires pour leur confort hivernal, qu'est - ce en regard des années de plaisirs et de joies qu'ils nous offrent spontanément.


C.C.

Bibliographie :
E. Soothill & P.
Whitehead : Wildfowl of the world.


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