L'IBIS ROUGE

(Eudocimus ruber)

ou

(Guara rubra)

Nous aborderons sous ce titre, une espèce relativement rare en captivité sauf en parc animalier, ou elle est parfois une attraction majeure. Cependant comme on commence à en rencontrer de plus en plus souvent chez les éleveurs, elle fera donc l'objet de ces quelques lignes.

Ordre : Ciconiiformes
Famille : Threskiornithidés
Genre: Guara ou Eudocimus

Sa couleur
Depuis la nuit des temps, les Ibis rouges ont fasciné le monde. Est-ce l'oiseau ou tout simplement sa couleur qui sont la cause de cette admiration ?
Les ornithologues se posent toujours la question de savoir pourquoi leur plumage est toujours d'un rouge aussi intense, ils croient connaître une partie de la réponse en se disant qu'elle réside dans l'alimentation. La coloration du plumage est due au carotène (Vit.A), matière qui contient les pigments rouges que les Ibis absorbent en consommant des petits crustacés, des invertébrés, des algues etc. En l'absence de ce fameux carotène, leur plumage perd rapidement de son intensité. Un doute et des questions se posent aux scientifiques : ou vont donc se nourrir les Ibis rouges pour trouver ce fameux carotène puisque dans la majeure partie de leur habitat il fait défaut ?
Une autre question : à quoi peut bien servir une coloration aussi intense à l'ibis rouge ? on suppose que ce dernier a développé cette teinte caractéristique au cours de son évolution dans le but de se signaler plus rapidement à ses congénères et peut-être également pour effrayer les prédateurs.
Une autre énigme préoccupe les ornithologues, c'est la proximité de l'ibis rouge, de son proche parent l'ibis blanc (Eudocimus albus). On retrouve en effet ce dernier aussi bien dans le sud des États- Unis qu'en Amérique centrale et même dans la partie septentrionale de l'Amérique du Sud. Certains scientifiques prétendent qu'il s'agit d'une seule et même espèce et qu'un seul gène déterminant la coloration du plumage différencie les spécimens rouges des blancs. Au Venezuela, les croisements des variétés de couleur sont fréquentes et régulières. On peut donc apercevoir des individus de teinte orange ou rouge pâle vivant au sein d'une colonie d'ibis au plumage rouge. Il faut cependant reconnaître quelques différences entre ces deux espèces comme par exemple la couleur des yeux : l'iris de la blanche est bleu alors que celui de la rouge est gris.

Son comportement à l'état sauvage
Les ornithologues connaissent fort peu le comportement spécifique de cette espèce, notamment quant à l'étendue de son habitat, ainsi que sur la pariade et l'accouplement.
Ces oiseaux semblent se déplacer fréquemment et rendent leur recensement difficile. Les colonies entières se déplacent, rarement deux saisons de reproduction s'effectuent au même endroit. Lorsque les Ibis ne trouvent plus, une végétation adéquate dans leur environnement immédiat, ils interrompent leur reproduction et émigrent vers un nouveau biotope. Ainsi par exemple, l'une de leurs plus grandes colonies résidant dans les marais de Caroni, sur l'île de la Trinité n'a pas eu de couvaison depuis pres de 15 ans. Malgré tout on estime que 10 000 spécimens vivent dans la réserve sur la Trinité, mais cette population diminue de jour en jour. Outre le nombre toujours croissant des touristes, la cause de ce dépérissement résiderait essen-tiellement dans le braconnage direct et indirect, de nombreux pêcheurs et braconniers "travaillent" la nuit munis de puissants projecteurs ; dérangés et incommodés ils finissent par s'en aller ailleurs.
En 1980 la région de Caroni a été portée sur la liste des réserves naturelles, avec la possibilité d'en faire un parc national. Hélas, les mesures nécessaires ne furent pas prises, le projet échoua et la catastrophe écologique s'amplifie. Mais il n'y a pas qu'à la Trinité que ce bel oiseau rouge soit menacé. Partout, dans la totalité de son habitat, au Vénézuela, en Colombie, au Surinam, au Guyana et en Guyane française, au Brésil, il est victime de sa rare beauté.
Depuis 1987, l'Ibis rouge est inscrit dans l'annexe II de la Convention de Washington sur le commerce des espèces en voie de disparition. En 1988, une conférence le concernant eut lieu, les chiffres cités n'étaient guère optimistes, ils soulignaient de manière éloquente la disparition rapide du biotope de ces volatiles. Les zones humides cèdent le pas à la culture du riz qui engendre l'emploi massif de produits agro - chimiques. Sur les côtes, les mangroves sont tout simplement détruites par le feu pour faire place aux élevages de crabes, aux ports de plaisance, aux écoles de planche à voile et aux hôtels de luxe.
Un braconnage sans retenue entraîne des coupes sombres au sein des populations d'Ibis rouges, ceci particulièrement au Brésil et en Guyane française. Dans cette dernière notamment, des "chasseurs" sont engagés par les restaurants à la mode où la chair d'Ibis enrichit la carte des spécialités locales. Mais il est également recherché pour la beauté de ses plumes, à l'instar de celles des perroquets et de l'aigrette neigeuse, elles servent à la confection de fleurs artificielles. Les femmes de Sinnamary sont réputées pour cet "art". Leurs produits sont vendus un peu partout et même jusqu'à l'aéroport de Cayenne - Rochambeau. La matière première de ces fleurs est fournie par les chasseurs qui opèrent parfois sur des bateaux équipés de congélateurs où s'entassent jusqu'à 200 oiseaux qui seront livrés ensuite à Sinnamary. Pour tenter de restreindre le marché des plumes, le groupe écologique "Ardea" a mis au point un programme de recyclage professionnel des "fleuristes" de Sinnamary qui tente de les inciter à utiliser des plumes de poules teintées pour la confection des fleurs d'hibiscus.
Au Guyana, le sort de l'ibis rouge n'est guère plus enviable ; à une chasse sans limite, s'ajoute la récolte des oeufs.
Au Brésil, les Ibis rouges sont désormais protégés, et leur nombre a légèremen augmenté.
Au Surinam, l'espèce est strictement protégée depuis 1955, et les braconniers pris sur le fait, sont immédiatement incarcérés. Dans ce pays, en 1986, on estima sa population à 35000 couples.
Les Ibis rouges sont recensés chaque année par avion et des études régulières sont effectuées quant à leur mode de vie et leurs migrations. Depuis mars 94 en Guyane française le "GEPOC" a lancé une campagne de sensibilisation pour demander l'arrêt du braconnage notamment pendant la période de reproduction. La collaboration des aéro-clubs a été recherchée, pour que les pilotes d'avions ou autres engins volants qui survolent les zones côtières, fournissent des informations sur les colonies observées.

Description
Sa taille avoisine les 38 cm. Le plumage est totalement rouge écarlate chez les deux sexes avec cependant la pointe des ailes noires. Le bec incurvé : noir ou couleur corne, et les pattes rose-terne.
Il émet des sons perçants.

Habitat
Ce sont des oiseaux qui vivent en société en bandes nombreuses, ils cherchent leur nourriture en se servant de leur long bec, fouillant la vase de la côte à la recherche de petits crabes et de mollusques. Dans les marais de l'intérieur, ils s'alimentent essentiellement de larves d'insectes, de crustacés, d'anguilles et de serpents de petite taille, d'oeufs de batraciens, d'alevins, et même d'algues.
Le soir tous les membres de la colonie se rassemblent dans leurs quartiers pour y passer la nuit. A petits coups de bec, chacun se fraye sa place pour dormir.

Reproduction
Les couples se forment au début du printemps et restent unis pendant toute la saison de reproduction. Le mâle, les ailes écartées, le cou tendu, balançant son bec de droite à gauche et enfin présentant une brindille à l'élue de son coeur, plus rien ne s'oppose à l'accouplement.
Généralement les Ibis rouges commencent à couver au début de la saison des pluies d'été. La période de reproduction n'est pas fixe et on peut observer cette activité d'avril à octobre. Les nids d'assez petite taille sont faits de brindilles et se balancent dans le feuillage des palétuviers, mais également sur des saules, des sureaux, des opuntias etc... souvent juste au dessus des eaux peu profondes du marais.
La ponte constituée de 2 à 3 oeufs, est couvée pendant 21 jours par les deux sexes qui se relaient sur le nid. Les petits, presque nus à la naissance, ont un bec court et droit. Ensuite un fin duvet blanc les recouvrira, qui sera lui-même recouvert par la suite de plumules grises. Vers l'âge de 10 jours les premières vraies plumes apparaissent, et les jeunes commencent à explorer les abords du nid. Ensuite, quelques jours plus tard, ils quitteront leur nid pour monter jusqu'à la cime des arbres, attendant leurs parents et surtout la nourriture qu'ils leur apportent. Ils se précipitent sur leurs nourriciers, happant le poitrail et le bec des parents pour les amener à régurgiter ; la nourriture passant alors en quelques secondes d'un jabot à l'autre.
Vers l'âge de 5 ou 6 semaines, les jeunes sont aptes au vol et peuvent parcourir de courtes distances.
Ce n'est qu'à l'âge de deux ans qu'ils se pareront de leur magnifique plumage rouge.

La captivité
Comme on l'a vu, c'est un oiseau protégé par la Convention de Washington (Annexe II), il nous parait nécessaire que les éleveurs qui en possèdent s'attachent à le faire reproduire et mettent à leur disposition la volière qui leur convient. L'ibis rouge pour se reproduire, à besoin d'être volant puisqu'il niche au sommet des arbres.


H.G.L.

SA DÉTENTION ET SA REPRODUCTION

Quelques parcs zoologiques et certains éleveurs détiennent ce magnifique oiseau aux couleurs exceptionnelles.
Sa détention en captivité ne souffre pas la médiocrité et il est nécessaire que les oiseaux puissent voler et s'ébattre normalement.
C'est toujours difficile de décrire l'élevage et le comportement d'une espèce en quelques lignes. Il est évident que les conditions de détention influent sur le comportement des oiseaux.
Une brève description des installations est nécessaire avant d'aborder les détails de la reproduction.
Pour un groupe de 10 oiseaux adultes l'élevage a été réalisé dans une volière de 12 m de long sur 6 m de large et 3,5 de haut. La volière est fermée sur trois côtés : nord, ouest et est. Seule la face sud est ouverte. La partie est est couverte sur une largeur de 4 m. Un bassin de 40 cm de profondeur complète l'ensemble. Dans l'angle ouest pousse un If et un prunier sauvage. Sous la partie abritée 8 cases situées à 2 m de haut ont été aménagées pour éventuellement permettre aux oiseaux de construire leur nid.

L'alimentation
Après de nombreux tâtonnements nous avons adopté un régime alimentaire qui permette un élevage normal des jeunes et une croissance correcte des oiseaux. Les Ibis ont à leur disposition des granulés pour chiots ( haute énergie de Royal Canin) 200 g de viande hachée et 200 g d'éperlans. Pour maintenir leur coloration rouge, de la canthaxantine est incorporée à leur alimentation. Un complément vitaminique est apporté chaque semaine.

La reproduction
Lorsque le temps est doux, les oiseaux commencent à s'exciter dès la mi-mars. Le bec change de coloration il passe du rose au gris et la coloration rouge du plumage se renforce et devient " rouge lumineux" (plus rouge que rouge !!) Ces modifications sont un prélude aux premiers accouplements et à la construction simultanée des nids.
Pour construire ces derniers, les oiseaux ont toujours préféré utiliser les supports naturels (If et prunier) et reviennent chaque année à la même place. Pour que les nids soient plus stables, nous avons choisi de mettre à la disposition des Ibis un certain nombre de matériaux et notamment de la bruyère. Cette plante a pour particularité d'avoir des rameaux qui ne sont pas rectilignes qui confère à l'édifice une meilleure stabilité. Si la matière première est suffisante le nid aura l'aspect d'une belle coupe. Dans le cas contraire, si la matière première est insuffisante et mal adaptée nous aurons une plate forme instable.
Dès que le nid est terminé, la ponte intervient immédiatement. Les pontes les plus précoces ont été observées avant le 10 avril. La majorité se produisant aux alentours du 10 mai. Nous avons noté des pontes tardives jusqu'en septembre, mais dans nos conditions d'élevage elles n'ont jamais donné de poussins.
Dans la littérature il est signalé des pontes de 4 à 5 oeufs pour les oiseaux sauvages. Dans nos conditions d'élevage le maximum d'oeufs a toujours été de 3. Les oeufs sont de la taille de ceux de poules naines et sont blancs bleuâtre tachetés de brun.
L'incubation commence dès la ponte du premier oeuf et dure 21 jours. Les naissances se trouvent ainsi décalées. On observe des oisillons de taille vraiment différentes et la différence pondérale peut varier du simple au quadruple.
A la naissance le jeune Ibis est recouvert d'un duvet noir et a un bec rouge corail. Les jeunes ont une croissance rapide. Dès le 5ème jour les rémiges commencent à pousser et le bec s'éclaircit.
Au bout de 10 jours les rémiges sortent et le bec s'allonge, devient noir à l'extrémité et gris blanchâtre dans sa partie centrale.
Vers l'âge de 20 jours les jeunes commencent à se déplacer sur l'arbre autour du nid. Ils débutent leurs premiers vols à l'âge d'un mois. Les ailes et la tête sont noires et le dessous de l'abdomen blanc.
45 jours après la naissance les jeunes sont encore nourris par les parents. C'est à l'âge de deux mois qu'ils commencent à se colorer sous les ailes. Il faut attendre un an pour que le ventre soit entièrement coloré en rose pâle. La coloration définitive ne sera acquise qu'à la fin de la troisième année.
Dans nos conditions d'élevage, les jeunes ont commencé à se reproduire entre trois et quatre ans, malgré plusieurs accouplements constatés entre mâle adulte et jeune femelle d'un an.
Pendant la période d'élevage le régime alimentaire reste qualitativement le même, seules les quantités ont été adaptées.
L'élevage des Ibis rouges ne présente pas de difficulté majeure. Il convient de s'assurer au préalable, que l'on possède bien des couples. Un deuxième critère est d'offrir aux oiseaux un environnement correct adapté à leur biologie.
Dans les petites colonies d'une dizaine d'ibis, il peut se trouver un élément perturbateur qui risque de mettre à mal la colonie toute entière. Il arrive en effet qu'un oiseau se mette à manger systématiquement les oeufs sans raison apparente. Il est possible qu'à l'occasion d'une ponte, un oeuf se soit cassé accidentellement et que l'un des oiseaux l'ait consommé. Ensuite l'oiseau ayant pris goût aux oeufs frais s'est mis à détruire systématiquement les pontes. Le seul remède pour éviter de pareilles catastrophes est de repérer le fautif et de l'isoler. Dans nos conditions d'élevage toutes les autres mesures s'étant avérées inefficaces.

A.D.


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