Si les zoologistes l'ont classé parmi les Faisans pour des raisons bien évidentes, le profane est en droit de se demander en quoi il peut ressembler à l'oiseau que l'on définit régulièrement et familièrement sous l'appellation "Faisan", car selon son aspect extérieur il s'en éloigne singulièrement.
Le Lophophore est en réalité un oiseau hors du commun, que ce soit par ses formes trapues, par son bec très fort, ses pattes robustes, sa queue courte, large et plate, mais encore par sa démarche typique à petits pas brusques.
Le Coq, n'entrant en couleur qu'à deux ans, possède un plumage multicolore à reflets métalliques presque irréels. Il est tellement beau qu'il accroche immédiatement le regard. Nombre de débutants lorsqu'ils le voient pour la première fois, ont dans les yeux une sorte de convoitise et un désir de le posséder un jour.
Son splendide plumage à reflets changeants ou le vert bronzé métallique s'entremèle harmonieusement avec des reflets pourpres et bleuâtres ne se retrouve vraisemblablement que chez certains colibris et oiseaux de Paradis.
C'est certainement cette richesse dans les couleurs du mâle, qui lui vaut ce succès auprès des éleveurs.
Au début des années 50, un recensement fut effectué par l'O.P.S. (Ornemental Pheasants Society) sur le nombre de Lophophores détenus en Europe. A cette époque une quarantaine d'oiseaux furent recensés. Ce chiffre était-il le reflet de la réalité ? nul ne pourra y répondre, mais il nous semble bien inférieur à la réalité.
Selon des sources bien informées, il semble que cet oiseau fut importé en Europe au départ de l'Inde et plus précisément de Calcutta. Jusqu'en 1940, il rentrait bon an, mal an, une quarantaine d'individus de capture, dont beaucoup ne survivaient pas bien longtemps.
A l'époque chaque éleveur y allait encore de sa recette personnelle pour les nourrir, les aliments que nous connaissons actuellement n'existaient pas, d'où beaucoup de pertes. Il faut considérer que dans son habitat naturel, l'été n'a qu'une durée d'un peu plus de 4 mois, pendant lesquels son garde-manger est bien fourni. Pendant les mois restants, le sol étant gelé et enneigé, il est amené à vivre de portion congrue. Ce n'est donc pas un oiseau que l'on doit gaver, mais laisser sur sa faim, même si cette manière de détenir des oiseaux est contraire à nos principes.
Il y a bien plus de Lophophores qui meurent de surnutrition que du contraire....
Toutes les graines oléagineuses sont à proscrire. Dès que le coeur de cet oiseau de haute montagne s'entoure de graisse, ses jours sont comptés....
Nous devons prendre en considération que c'est un oiseau d'espèce sauvage, et que son origine, c'est la haute montagne, endroit immunisé contre bacilles, bactéries et virus et que c'est vraisemblablement pour cette raison qu'il est dans nos volières réceptif à certaines maladies. Jean Delacour nous précise dans Tous les Faisans du Monde, qu'il fréquente des altitudes comprises entre 2 500 et 4800 mètres.
Dans les conversations entre éleveurs on entend souvent dire que les lophophores ne vivent pas très vieux en captivité, qu'ils ne vivent rarement au delà de 5 ans.
Il existe cependant des exemples où des individus ont vécu 25 et 30 ans, et c'est de plus en plus fréquent. Nombreux sont les éleveurs qui signa-lent des oiseaux de 15 ans et plus.
Selon le très compétent professeur Ghigi, le sol sur lequel on implante sa volière joue un rôle déterminant. Comme les oiseaux pioches continuellement le sol avec leur bec, si les dimensions des volières sont trop réduites, les infections sont à craindre.
Pour les conserver, il faudrait pouvoir effectuer une rotation, c'est à dire de pouvoir les déplacer périodiquement, et d'effectuer un vide sanitaire dans celle qu'ils quittent.
Pour diminuer les risques d'infection, Ghigi préconise des volière de 100 m2.
Comme on l'a dit précédemment c'est un oiseau d'altitude, qui ne descend rarement au dessous de 2 000 mètres, il n'apprécie guère les fortes chaleurs du niveau de la mer. L'éleveur aura tout intérêt à ombrager ses volières, ou à les construire sur un emplacement peu ensoleillé.
Dans une publication du début du siècle, le Professeur Ghigi écrivait en 1937 : "Les Lophophores sont vigoureux et vivent longtemps, néanmoins ils sont très sensibles aux infections, davantage que la plupart des faisans. J'ai souvent obtenu des exemplaires parfaits, mais je n'ai jamais pu les conserver plus de 4 ou 5 ans ; ils mouraient toujours subitement de maladies infectieuses. Des immunisations périodiques par des injections anticholérique, antityphique et antidiphtérique sont d'un grand secours ; ils sont aussi enclins à souffrir du ver rouge..."
En 1910 un nommé H.FLOCART habitant Rocroi dans les Ardennes qui est l'une des régions les plus froides de Franc publia dans le Bulletin de la Société d'Acclimatation en page 98, un résumé de son expérience : Pendant près de 50 ans, il produisit chaque année des douzaines de Lophophores, qu'il distribua à travers toute l'Europe. Il précise que les lophophores peuvent vivre et reproduire jusqu'à lâge de 25 ou même 30 ans.
De nos jours, on peut dire que cet oiseau n'est guère plus fragile que les autres faisans, il arrive bien de temps en temps un décès prématuré, mais ce n'est plus aussi fréquent que par le passé. Et puis tous les sujets présents dans les élevages sont issus de captivité, ce qui n'était pas le cas par le passé, tout au moins dans la 1ère partie de ce siècle.
Identification
Les sexes sont différents, le Coq n'entre en couleur qu'en deuxième année.
En première année sa "robe" diffère de celle de la poule par quelques points noirs sur la gorge et parfois par quelques plumes de couleur sur les parties dorsales.
Impression générale :
Le Coq doit donner l'impression d'un oiseau lourd et trapu.
- Sa tête plutôt allongée, le front n'étant pas proéminent, d'un vert métallique foncé
- Sa huppe se compose d'une touffe de plumes longues et fines, implantée sur le centre de la couronne
et dont la partie terminale fait un peu penser à une palette ; elle est souvent portée à la verticale :
vert métallique comme le dessus de la tête.
- Son bec démesurément long, fort et puissant, la mandibule supérieure
dépassant largement l'inférieure. Il est de teinte gris-corné, la pointe et les
commissures étant souvent jaunâtres.
- La face, avec sa peau nue entourant l'orbite, est d'un bleu turquoise, elle a
une forme ovale et ne doit pas être trop étendue ; la partie emplumée, y compris la région parotique
sont d'un vert-bronzé luisant.
- L'oeil a l'iris brun noisette.
- Le menton et la gorge sont
noirs, souvent à reflets verdâtres.
- Le cou a la partie arrière et
les côtés d'un rouge cuivré
ardent, changeant.
- La nuque est d'un vert doré
à reflets métalliques qui envahit le dessus du dos.
- La poitrine, le ventre et les
flancs sont d'un noir velouté.
- Le dos est blanc pur.
- Le croupion : blanc, barbes
externes noires à pourprées à
reflets métalliques.
- La queue, courte, plate, large et carrée, est d'un roux
cannelle.
- La sous-queue est noir velouté avec pointes verdâtres à bleuâtres.
- Les scapulaires sont d'un bleu métallique très luisant.
- Les ailes : rectrices primaires noir métallique, rectrices secondaires brunes.
- Les tarses sont forts, d'un brun olivâtre, avec la présence d'un gros éperon.
La femelle : brune dans son ensemble, l'arrière de la tête formant une petite huppe horizontale,
avec marques fauves. Le tour de l'oeil est entouré d'une peau nue bleuâtre. Le bec est fort,
grisâtre avec la mandibule plus foncée. Le menton et la gorge : blanc fauve. Le manteau les couvertures
des ailes et la poitrine : brun jaunâtre, avec des marques noires et beiges. Le ventre est brun foncé
tacheté de clair et barré de beige clair. La queue brun-noirâtre à roussâtre se terminant par un liseré
blanchâtre. Les tarses et les doigts : de brun olive à jaunâtre.
Habitat
Le Lophophore occupe un territoire s'étendant sur une longueur dépassant 3 000 kilomètres, allant
du Pakistan au Buthan et le Pradesh, c'est à dire le long de presque toute la chaîne de l'Himalaya.
Son habitat préféré se situe sur les prairies d'altitude, où les rochers sont couverts par la
végétation pour environ
70%.
Au Népal, Elliot a pu dénombrer environ 8 couples par km2. Au Pakistan on trouverait encore près de 3 couples par km2, et dans le Himachal, Pradesh Gaston en 1981 put dénombrer des groupes de 4 à 5 coqs au km2 et de 3 à 7 couples sur une même surface.
Déplacements
Chez le Lophophore on ne peut pas parler de migration, mais seulement de déplacement saisonnier en
fonction de la nourriture disponible et des rigueurs de l'hiver. C'est ainsi qu'à certaines époques,
il est possible de le rencontrer en dessous de 2 000 mètres d'altitude dans le PRADESH (habitat le plus
oriental du lophophore) des concentrations se forment entre 2 000 et 3 000 mètres entre janvier et mars,
alors qu'en septembre et octobre elles se situent au dessus des 3000 mètres. Au NEPAL, les mouvements
saison-niers se situent entre 3200 et 4350 mètres.
Comportement social
Il y a toujours eu contradiction entre les auteurs en ce qui concerne le comportement social de cet
oiseau.
Certains prétendent qu'il est monogame, d'autres le disent polygame. Il est certain, et cela nous
le savons par BEEBE, dès le début du siècle ; que l'on rencontre dans son habitat des groupes composés
de 10 à 15 coqs en couleur, alors que les poules vivaient plutôt isolément ou en compagnie de
leurs jeunes encore en "robe" juvénile. Il lui semblait que les mâles étaient en surnombre.
RIDLEY qui fit des observations en 1984 penche vers la polygamie, et pense que les femelles ont
tendance à avoir un comportement grégaire, la vie en couples ne se situant uniquement depuis les
parades jusqu'à la ponte. Dès que la poule se met à couver, le coq ne s'en occupe plus et rejoint
ses congénères.
GASTON, LELLIOT, et RIDLEY (1982) rapportent dans une publication de la W.P.A que 14 % des mâles qu'ils ont rencontré vivaient en petits groupes de 2 à 3 individus, alors que 13 % vivaient en groupe plus structurés.
Nourriture
Ce qui va suivre, nous le devons à W. BEEBE. C'est certainement celui qui a le mieux, et le plus,
étudié les Lophophores en toutes saisons. Il les a également photographiés et chassés.
A l'examen des oiseaux tués, il put se rendre compte que leur alimen-tation ne différait pas
seulement d'une saison à l'autre, mais aussi localement d'un habitat à un autre.
Selon les examens qu'il a pu effectuer, les insectes terrestres et toutes les formes de tubercules
comprennent l'essentiel de leur menu en toute saison. Leur bec adapté pour les déterrer jusqu'à
une profondeur de 30 cm. Ceci est confirmé par BAKER en 1930.
Au printemps, au dessus de la limite des arbres, parmi une végétation basse, parsemée d'épais bosquets de bambous et de buissons de rhodendrons, dans des prairies d'altitude alpine où les effleurements rocheux crèvent la végétation, il se nourrit de jeunes pousses variées, de graminées vertes, d'insectes, de petits fruits comme les fraises sauvages, etc.
A l'époque où les jeunes pousses de bambous percent la surface de la terre, il en fait une large consommation, déterrant avec son bec les rhizomes de cette plante dont il raffole.
A l'approche de l'hiver, lorsque la neige recouvre le sol, il descend dans les forêts de chênes et de pins, retourne les feuilles mortes à la recherche de nourriture animale, mais aussi de glands et de graines de pommes de pin. Il a aussi un faible pour les baies, qu'il apprécie. Tous les bulbes et tubercules de même que les racines tendres font partie de son menu.
Reproduction
Sur un territoire aussi vaste, il est normal que la reproduction ne se situe pas partout à la même époque.
Dans le nord de l'Inde la nidification débute en principe début mai. Des oeufs ont été découverts entre le 20 avril et le 27 juin. En Afghanistan et au Tibet elle se déroule d'avril à juillet.
Le nid rudimentaire est installé à l'abri d'un arbuste, sous un buisson, sous une roche, dans une
touffe d'herbes.
Une ponte comprend de 4 à 5 oeufs, mais on a également découvert des nids n'en contenant que 2 ou 3,
ils sont chamois à roux, tacheté de brun, et mesurent environ 63 x 44 mm.
L'incubation est de 27 à 28 jours, seule la femelle couve.
Les petits restent avec leur mère jusqu'à la fin de l'hiver.
Statut Le lophophore est inscrit en Annexe 1 de la Convention de Washington, on le croyait menacé, mais il semble de nouveau bien implanté dans son habitat. De plus, il ne serait plus chassé.... (ce qui nous semble bien surprenant).
La captivité
Il supporte très bien nos hivers européens même les plus rudes, mais il souffre de la chaleur en été,
il faut donc le protéger des rayons solaires. La volière sera grande ; 50 m2 minimum pour un couple -
éviter de l'orienter plein sud. Une ou plusieurs très grosses pierres seront à sa disposition pour
qu'il puisse "limer son bec" et parfois s'y reposer.
A l'état sauvage, les femelles pondent en 3ème année, en captivité certaines se mettent à pondre dès la 2ème année.
Lorsque la saison de reproduction s'annonce, il faut surveiller le comportement du mâle qui peut
devenir agressif et tuer sa femelle, ce qui malheureusement arrive parfois.
Un éleveur allemand a résolu ce problème : chaque couple dispose de deux volières séparées par un grillage au bas duquel il a aménagé une ouverture ou seule la femelle étant plus petite peut passer.
Si vous possédez des oiseaux non-éjointés, coupez les plumes d'une aile du mâle, de cette façon il ne pourra rejoindre la femelle qui se perchera sur les perchoirs que vous aurez mis à sa disposition.
Un abri de 2 x 2 m sera à leur disposition, principalement pour les protéger du soleil en été. C'est dans cet abri que sera installé le ou les perchoirs. Le sol de cette volière a une grande importance, un terrain sablonneux est l'idéal, l'eau ne doit jamais pouvoir y stagner, Si vous souhaitez en ensemencer une partie en gazon, il faudra la protéger du "bec laboureur" par un grillage à l'horizontal posé sur tasseaux. Une surface de quelques mètres carrés recevra du sable et des cailloux.
La ponte débute souvent en avril, vous pourrez aménager un nid sous un buisson avec quelques végétaux secs. 4 à 6 oeufs seront pondus à une cadence d'un tous les 2 ou 3 jours.
Certaines Lophophores couvent et élèvent, d'autres non. La première fois laissez-lui ses oeufs et surveillez la, il se peut que tout se passe bien et qu'elle s'occupe de ses jeunes.
Il est possible également de faire couver les oeufs par des poules naines qui se chargeront ensuite d'élever les jeunes. On pourra avoir recours à un incubateur, sa température sera réglée sur 37°5 avec une hygrométrie comprise entre 40 et 45 %. Dans une couveuse statique, la température sera de 38°5 sur le dessus des oeufs.
Placés en éleveuse artificielle les faisandeaux se feront parfois prier pour prendre leur première
nourriture, des poussins de poules de grande race seront avantageusement placés pendant quelques
jours avec eux pour leur apprendre à manger. Dès l'âge de 15 jours si le temps le permet,
ils pourront être installés à l'extérieur dans la journée. En principe vers 3 semaines,
ils pourront être définitivement placés en volière extérieure, mais rentré dans l'abri pour la nuit.
Attention les petits lophophores craignent l'humidité.
Actuellement, la meilleure alimentation qui soit : c'est l'aliment faisandeaux distribué par de nombreux fabricants, on "l'enrichira" de quelques vers de farine.
Les jeunes sont fragiles, il est bon entre autre de les vacciner vers l'âge de 5 à 6 semaines contre la diphtérie, maladie qu'ils attrapent assez fréquemment.
Ils seront bagués avec des bagues de 14 mm.
Jeunes et reproducteurs recevront beaucoup de verdure : herbe, salade chou..., carottes, oignons,
graines germées, pommes, poires, fraises baies de toutes sortes...
L'eau sera toujours aussi fraîche que possible.
Les reproducteurs seront vermifugés 2 fois par an, avec un vermifuge prenant en compte les vers rouges. Nous terminerons ces quelques lignes en précisant que dans ce texte nous n'avons vu que le Lophophore Resplendissant (Lophophorus impeyanus), mais il faut savoir qu'il en existe deux autres : le Lophophore de Sclater (Lophophorus sclateri), et le Lophophore de Lhuys (Lophophorus Ihuysi).
Pour ceux qui aiment les faisans et les beaux ouvrages nous conseillons vivement la lecture de : "Tous les Faisans du Monde" de Jean Delacour. (1)
(1) Cet ouvrage est épuisé.
Voir aussi "Faisans de paons" de J.C. Périquet
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