Le Haut Conseil Scientifique de ProNaturA France a choisi de vous présenter un article de
Larry Orsak, paru dans le courrier de l'environnement de l'Institut National de la Recherche
Agronomique n°33 d'avril 1998.
Cet article parfaitement argumenté a valeur d'exemple.
Il illustre exactement les objectifs que défend la Fédération Française des Associations pour une
Protection Non Anthropomorphiste de la Nature et des Animaux-ProNaturA France.
Cet article le démontre parfaitement : la conservation de la nature ne saurait être
efficace que si les populations locales y trouvent un intérêt.
Il est possible de concilier développement et conservation de la nature (ce que prône ProNaturA
France), à condition de réfléchir et de tourner le dos aux poncifs et bourrages de crânes distiliés
massivement pendant des années par certaines organisations radicales de "protection de la nature".
Cela s'appelle la conservation par le développement et est désormais officieliement reconnue par
l'Union Internationale de Conservation de la Nature.
Pendant longtemps, les théories de la branche intégriste et ultra-conservationniste des écologistes
ont dominé la protection de la Nature et de nombreux organismes chargés de la mettre en oeuvre.
L'écologie extrême est une idéologie qui a la haine de l'Homme. Il ne s'agit plus de protéger l'Homme
contre lui-même, il s'agit de préserver le cosmos des atteintes de son principal prédateur.
La Nature n'est pas conçue comme un "environ" de 1' Homme, mais comme une valeur suprême à
laquelle il doit se plier. Cette soumission est perçue comme un retour à un ordre naturel antérieur,
la magnification de la brutalité de la Nature et de sa sauvagerie.
Au lieu de comprendre l'Homme et de chercher à l'améliorer, elle le déteste. En ce sens, elle est
anti-humaniste.
L'écologie extrême a présenté, au cours de ces 30 dernières années, à grands coups de reportages
télévisés, une nature douce et idéale où l'Homme était le seul élément perturbateur. On a vu
des "personnalités" occidentales particulièrement moralisatrices essayer de convaincre les
autochtones que tuer un serpent, une tortue, un papillon ou un crocodile était un crime abominable.
Alors même que ces populations mourraient de faim et que ces "personnalités" ne leur proposaient
aucun moyen de se développer et d'améliorer leurs conditions de vie.
Dans le but de conserver une nature intacte : on a tout interdit.
En oubliant que la politique du "tout interdire" est une politique extrémiste et qu'il pouvait
exister un juste milieu : ce n'est pas l'utilisation ou l'exploitation de la nature par l'Homme
qui est condamnable, c'est sa surexploitation. C'est à dire un stade qui met en danger l'écosystème
lui même.
Et cette politique du "tout ou rien" a eu des effets dévastateurs et mortifères, notamment sur
l'artisanat local qui pouvait utiliser des matériaux divers tels que carapaces de tortue, ailes de
papillons, etc.
Les collectionneurs de papillons du monde entiers ont été montré du doigt, accablés de tous
les maux, accusés de faire disparaître les espèces, même si la plupart du temps, leurs collections
étaient très anciennes ou comportaient des espèces absolument pas en danger. Même accusations exagérées
à l'encontre des botanistes, des orchidophiles, etc., alors même que la plupart des plantes sont
aujourd'hui couramment reproduites en Europe. Même accusations calomnieuses à l'encontre des particuliers
amateurs d'oiseaux, à qui l'on a toujours pas permis en France de prouver que l'oiseau était né chez eux,
en menant un combat d'arrière garde visant à ne pas faire reconnaître par l'Administration la
bague fermée inviolable (que l'on passe à la patte de l'oisillon qui vient de naître et que l'on
ne peut plus ensuite retirer) comme preuve de son origine d'élevage. Preuve qui est pourtant reconnue
par tous les autres pays européens.
Après 30 ans de bourrage de crânes, un scientifique, Larry Orsak a le courage déjeter un énorme pavé
dans la mare et de prouver que "La récolte dès papillons.... sauve les papillons".
Bien sûr, sous certaines conditions strictes. Il ne s'agit bien évidemment pas de laisser faire
n'importe quoi. Mais en confiant la gestion d'un programme de suivi et contrôle à un organisme d'Etat
non soumis à des pressions commerciales, qui assure l'exportation d'un nombre non exagéré d'insectes
à un prix rémunérateur pour les populations locales.
Une nouvelle conception humaniste de la protection de la Nature est peut être en train d'éclore.
Certaines associations, comme la fondation USHUAIA, essaient de monter sur place des projets
locaux avec les populations concernées.
Nous espérons que la CITES encouragera à l'avenir cette conception constructive, juste et équilibrée
du rapport de l'Homme à la Nature, au lieu de l'entraver.
C'est en tout cas cette conception que soutiendra la Fédération Française des Associations pour une
Protection Non Anthropomorphiste de la Nature et des Animaux-ProNaturA France, car c'est la seule
qui puisse concilier conservation de la Nature et développement durable.
Par Larry Orsak
Christensen Research Institute. PO BOX 305. Madang (Papouasie-Nouvelle-Guinée)
Vous n'êtes pas sans savoir que les forêts tropicales disparaissent à un rythme effrayant : plus de la moitié en a été rasée durant les quarante dernières années. Et vous n'ignorez pas que plus des deux tiers de toutes les espèces de la planète vivent entre les tropiques dans un immense réservoir de nature qui renferme des remèdes inédits et d'autres substances pour notre avenir. Il est évident qu'il faut sauvegarder ces forêts. Beaucoup participent à cette action en achetant des " produits de la forêt " ou en aidant les ONG qui travaillent dans ces pays.
Et dans cette optique, capturer ou acheter des papillons exotiques ne ressemble à rien d'autre qu'à un moyen d'accélérer leur disparition. N'est-ce pas ? Pas du tout ! ceux qui énoncent que récolte des papillons égale destruction des papillons en savent bien peu sur les papillons, les tropiques et les stratégies que les gens ont construites dans les pays en développement pour la sauvegarde de leurs forêts. Le fait est qu'acheter des papillons pour enrichir votre collection peut être le meilleur investissement que vous puissiez faire en faveur de la protection des forêts tropicales. Cette note va vous expliquer pourquoi.
La Papouasie-Nouvelle-Guinée (P-N-G) : un pays leader dans la conservation des espèces tropicales de
papillons.., qui les exploite !
La P-N-G, un petit pays situé au nord de l'Australie, est l'un des 4 endroits au monde où subsisteront
dans vingt ans de grands pans de forêt tropicale vierge... Il héberge quelques insectes extraordinaires,
dont les plus grands papillons au monde, Ornithoptera alexandrae, "la Reine Alexandra" et
le second en taille, O. goliath, le Goliath, le plus grand de tous les phasmes, la plus grande
sauterelle Tettignoniide, le plus grand Diopside et un charançon qui entretient un parterre de lichens
et de mousses sur son dos. A ces merveilles s'ajoutent 3000 espèces d'orchidées, 10 % des rhododendrons
de la planète et la plupart des espèces d'oiseaux de paradis et d'oiseaux-berceaux (Ptylorynches).
Du point de vue des insectes, la P-N-G est unique par d'autres aspects. C'est le seul État dont
la constitution inclut les insectes dans ses ressources naturelles renouvelables. C'est aussi le seul
pays dont le gouvernement a instauré un organisme pour développer cette ressource de façon durable :
l'lnsect Farming & Trading Agency - IFFA (à Bulolo, dans la province de Morobe). L'Agence a démarré en
1978 et vend bon an mal an pour 400000 dollars d'insectes papous-néoguinéens à des collectionneurs,
des naturalistes, des chercheurs et des artistes partout dans le monde. Elle se procure les insectes
uniquement auprès des villageois, la plupart des spécimens résultant de captures mais, dans le cas des
Ornithoptères, le gouvernement exige qu'ils soient issus d'élevages.
Dans les pays développés, la stratégie des "parcs nationaux", consistant à acquérir des terrains
et à les consacrer à la flore et à la faune sauvages, a bien marché. Des gens en ont parfois violé
les règlements, mais il a suffi presque toujours de quelques gardes et de rappels à la loi.
Avec ce type de suivi, il était naturel qu'on essaye d'installer des "parcs nationaux" dans
le Tiers Monde, par exemple pour protéger le gros gibier sauvage africain. Mais cela fait plus de
trente ans que les spécialistes de la conservation ont constaté que cette stratégie n'était
pas efficace. Les revenus tirés de ces parcs sont allés pour la plupart dans les caisses
des gouvernements, tandis que les gens des alentours n'en tiraient
- au mieux - que de maigres bénéfices. Petit miracle : ces gens n'avaient aucun ou très peu
d'intérêt à ne pas toucher à ces parcs. D'un autre côté, ils pouvaient se faire de l'argent
en braconnant. Et là où les gens étaient de plus en plus nombreux et leur survie de plus en
plus difficile, il était tout bénéfice pour eux de bûcheronner ou d'établir des jardins dans ces parcs.
Réfléchissez: pourquoi quelqu'un qui arrive tout juste à ne pas mourir de faim choisirait de ne pas
perturber la faune sauvage, juste parce que "c'est agréable de l'avoir à côté de soi" ?
Cette formule naïve est bonne pour qui a tous ses besoins fondamentaux satisfaits et oublie que
son mode de vie privilégié lui fait voir les choses d'un unique point de vue.
L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) reconnaît dans son ouvrage World
Conservation Strategy que la stratégie des "parcs nationaux" a échoué à contribuer au développement
des pays. Elle recommande à la place une stratégie de "la conservation par le développement" qui
préconise essentiellement de
déterminer d'abord les besoins des gens sur place puis de leur offrir des stimulants à
s'aider eux-mêmes en prévoyant de récompenser leur travail et leur comportement en faveur de la nature.
Chasser et vendre les animaux en surnombre est un stimulant très efficace, car tout le monde
apprécie un lien direct de cause à effet et ce stimulant établit un lien direct entre
la conservation et les "opportunités" de développement : la subsistance des gens est liée
étroitement à la survie des espèces sauvages. Ceci explique pourquoi les effectifs d'éléphants
sont stables en Afrique du Sud où l'on a pratiqué des prélèvements, alors qu'en revanche,
les populations
"strictement protégées" des parcs plus au nord ont été ravagées par le braconnage.
En P-N-G, les villageois collectent papillons et autres insectes de leur forêt pour les vendre.
Ou bien ils font pousser les plantes nourricières des chenilles et commercialisent les papillons issus
de la métamorphose des larves qu'ils installent dessus: une pratique connue sous le nom de
"butterfly ranching", presque un symbole de la "conservation par le développement". Beaucoup de ces
éleveurs gagnent des centaines de dollars par an - dans un pays où le salariat ne concerne que 15 % de
la population. Les villageois comprennent que la forêt est la source de leur revenu et cela les
incite fortement au respect de cette forêt, surtout lorsqu'on leur montre que ces insectes ont
besoin de la forêt pour survivre. L'argent qu'ils gagnent est important : ils en ont besoin pour
payer la scolarité de leurs enfants (qui n'est nullement gratuite) et de même que vous ne renoncez
pas à des luxes discutables comme votre voiture, les villageois de P-N-G ne renoncent ni au thé,
ni à la vaisselle, ni à d'autres choses simples qu'ils doivent acheter.
Est-ce que les villageois ne prélèvent pas ainsi trop de papillons?
Indigène de Nouvelle Bretagne avec un Ornitoptère femelle vivant en guise de parure occipitale. (Doc. OPIE) |
Est-ce que l'achat de n'importe quel insecte de Nouvelle-Guinée contribue à la préservation de la forêt ?
Non. Il faut que ce soit un insecte obtenu légalement. Seul l'IFTA est habilité à délivrer des
permis d'exportation des
insectes papous-néoguinéens à des fins commerciales. Ains l'IFTA peut, par la maîtrise du marché,
à la fois garantir aux
villageois des cours stables et leur restituer le maximum de revenus de ce commerce.
Il arrive que les Papous-Néoguinéens traitent directement avec des acheteurs qui exportent
les insectes en toute illégalité. En définitive, ceci affecte les ressources à long terme des
villageois en saturant les marchés et en cassant les prix. Et, de plus, ces acheteurs ne se soucient
certainement pas du lien entre collecte-élevage et protection de ta forêt.
Tout lot d'insectes régulièrement exporté est accompagné d'un permis (lequel n'est pas délivré
spécimen par spécimen). Si te lot comporte des Ornithoptères, il faut le tampon
CITES (un tampon comme celui de la poste, apposé pour le lot et pas pour chaque papillon).
Tout acheteur qui traite directement avec l'IFTA les obtient ;
il revient à l'acheteur de s'en procurer une photocopie ou une attestation.
Est-ce que les villageois ne pourraient pas protéger leurs forêts tout en gagnant de l'argent sans tuer quoi que ce soit ?
Au début du XXe siècle, l'explorateur et naturaliste A.S. Meek demanda l'aide des Papous pour capturer de nouvelles espèces d'ornithoptères. Le dessin ci-contre est repris d'une peinture contemporaine, parue dans Illustrated London News, et montre Ornithopterea chimaera visé à l'aide d'une flèche à quatre fourchons. (Doc. OPIE) |