LA PROTECTION ANIMALE CONTRE LA BIODIVERSITE ?

La protection animale est-elle devenue le nouveau tabou des temps modernes ?
En effet, qui pourrait être contre la protection des animaux, contre l'amélioration de la condition animale ?
Dans l'esprit des Politiques : personne…
Donc, les associations qui parlent au nom de la protection des animaux ont toujours raison. Et il faut s'empresser de leur donner ce qu'elles réclament, pour plaire au public et engranger les voix.

Par simplisme, certains envisagent " la protection animale " comme un mouvement uni et uniforme, dont les revendications seraient partagées par la très grande majorité de l'opinion.
Mais si notre salutaire esprit critique nous faisait gratter un peu plus loin pour voir ce que veut dire véritablement le terme de " protection animale " ?
En réalité, il n'y a pas une " protection animale ", mais différents mouvements du plus modéré (concept de bientraitance) au plus radical (véganisme), en passant par ceux qui réclament des Droits pour les animaux ou qui prônent la Libération animale.

Comme souvent, c'est celui qui crie le plus fort ou qui s'entoure de vedettes, qui voit ses demandes relayées par la presse et l'emporte finalement. Et ce malheureusement, de plus en plus souvent au mépris du débat contradictoire et de la démocratie.

La protection des animaux est quasiment passée dans le domaine du " politiquement correct " . Et c'est pourquoi de plus en plus rares semblent être les Hommes politiques courageux qui chercheraient à faire preuve d'un peu d'esprit critique et s'opposeraient à certaines revendications déraisonnables.
Et pourtant, toutes les propositions de réglementations ne sont pas forcément raisonnables.
Si on peut cautionner celles qui cherchent à renforcer les devoirs des hommes envers les animaux pour leur assurer une bientraitance quotidienne, synonyme de bons soins, bonnes installations, bonnes nourritures, il faut aborder avec beaucoup plus de prudence et de circonspection les initiatives purement idéologiques qui ont conduit à une longue liste d'interdictions : interdiction de possession par les particuliers des oiseaux, poissons et autres NAC, interdiction du foie gras, interdiction des animaux dans les cirques, interdiction des transports d'animaux, interdiction des courses (chevaux, chiens, pigeons), etc.

Depuis 1999, toute une série de nouvelles réglementations ont été prises.
A l'heure où certains annoncent déjà que la Chancellerie serait favorable à une modification du Code civil donnant la quasi personnalité juridique aux animaux et la possibilité pour eux d'attaquer, par le biais d'associations de protecteurs, leur possesseur (particulier, agriculteur, etc.) en justice s'il ne respecte pas leur " bien-être ", il convient de faire le bilan des réglementations déjà adoptées.

Car, et il faut le souligner, dans de nombreux cas, certaines réglementations mal pensées ou exagérées, prises au nom de la protection animale, sont en train de faire disparaître définitivement des dizaines de races ou espèces rares.

Or, on l'oublie trop souvent, protéger les animaux, c'est non seulement leur assurer une bientraitance, mais c'est aussi les protéger de la disparition.
Cet article est l'occasion de donner la parole à une catégorie de protecteurs qui ne l'a jamais :
Il existe en France un peu plus de 8 millions de particuliers dont le violon d'Ingres est la sauvegarde d'animaux domestiques ou non domestiques à faibles effectifs ou en voie de disparition.
Certaines espèces non domestiques, en voie de disparition dans la nature, ont été sauvées uniquement grâce à l'élevage familial. C'est le cas, par exemple de la bernache d'Hawaï ou de la sarcelle de Laysan. L'action des particuliers vient en complément des zoos qui ne sont pas assez nombreux.
Pour les races domestiques, au lendemain de la seconde Guerre Mondiale, le leitmotiv productiviste, justifié à l'époque par la nécessité de parvenir rapidement à l'auto-suffisance alimentaire, fit que la production passa, au moins chez les volailles, au stade industriel (" hors sol ") et ne se concentra que sur les quelques souches les plus productives, utilisées en croisement.. Les centaines de races qui faisaient alors toute la diversité de nos terroirs faillirent disparaître si elles n'avaient été sauvées par des particuliers désintéressés en tant qu'animaux domestiques, de compagnie ou d'ornement (c'est le cas de notre célèbre coq Gaulois) dans les basse-cours familiales. La tendance générale fut la même chez le porc et, chez les ruminants, de nombreuses races ont vu également leurs effectifs " fondre ".

Depuis le début des années 90, le monde politique et une très grande partie de l'opinion publique commencent à prendre conscience de la nécessité de sauvegarder la biodiversité, des espèces sauvages et des espèces domestiques. Un récent rapport de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (F.A.O.) l'a rappelé :
" La sélection naturelle et humaine a donné des milliers de races génétiquement différentes d'animaux d'élevage, adaptées à une très grande diversité des milieux naturels. Le maintien de cette diversité permet en effet de sélectionner, en fonction des circonstances, des animaux capables de résister à diverses maladies, de s'adapter aux changements climatiques ou de répondre aux attentes des consommateurs ". " Faute de mesures adéquates, plus de 2200 races domestiques pourraient disparaître dans les 20 années à venir, soit plus d'un tiers des quelques 6400 races de mammifères et oiseaux d'élevage actuellement recensées dans le monde , ce qui engendrerait des conséquences graves. Les Etats se doivent d'aider à la conservation de ces races en danger ".

La diversité de ces races représente un patrimoine historique et culturel vivant, que nous devons léguer à nos enfants et petits-enfants.

Il est impossible de détailler exhaustivement les réglementations exagérées, on se limitera à quelque exemples:
1°) Les transports d'animaux.
Les éleveurs d'animaux de races et espèces rares, pour éviter les mauvais effets de la consanguinité doivent s'échanger régulièrement des reproducteurs. Jadis, il y a eu trop d'abus en matière de transports d'animaux destinés à la boucherie (qui auraient été évités, si les abattoirs de proximité avaient été maintenus). Nous sommes désormais tombés dans l'excès inverse : suite à une réglementation excessivement contraignante, la plupart des transporteurs refusent les animaux des particuliers. Si bien que les transports qui concernent des animaux reproducteurs, ou des animaux qui vont en exposition et concours de beauté ont été divisés par trois, avec comme conséquence l'accélération de la disparition des races à faibles effectifs.

2°) Associer les particuliers à la sauvegarde des espèces au lieu les considérer comme des trafiquants
Alors que les autres pays européens encourageaient les particuliers, éleveurs familiaux d'oiseaux et les intégraient dans des programmes de conservation des espèces menacées, la France a mené une véritable guerre contre les éleveurs amateurs d'oiseaux. De 1976 à 2004, il n'y avait pas une loi disant " la possession d'oiseaux est interdite ". Ce ne serait pas passé au Pays des Droits de l'Homme. C'était beaucoup plus subtil : il y avait une multitude de réglementations très complexes qui aboutissaient à rendre impossible la possession légale d'oiseaux. Pour ne pas être long, on ne décrira que certains mécanismes. Si on voulait posséder des oiseaux et pouvoir céder leurs jeunes, il fallait être éleveur professionnel et ouvrir " un établissement d'élevage ". Très pratique, lorsque ce n'est pas son métier et qu'on a juste un couple d'inséparables…
Comme ce n'était sûrement pas assez pour décourager, une réglementation, soumettant la possession de la quasi totalité des espèces de poissons, oiseaux, etc. à l'obtention d'un " certificat de capacité " était prise. Problème : avant d'obtenir le certificat de capacité, il fallut, suite à la prise d'une nouvelle réglementation soufflée par " des protecteurs ", faire un stage de 3 ans dans un zoo. Or, s'arrêter de travailler trois ans, pour un particulier, c'est impossible.
C'est ainsi que ce sont retrouvés devant les tribunaux des centaines de particuliers, qui risquaient 3 ans de prison et/ou 50.000 francs d'amende. Des couples furent brisés par les problèmes financiers engendrés par la condamnation. Certains firent de la prison, leurs codétenus ne voulant pas les croire lorsqu'ils les entendaient dire que c'était pour des oiseaux…
Enfin, en 2004, une réglementation moins exagérée fut adoptée, mais elle reste encore beaucoup trop compliquée pour qui n'est pas juriste. Or, chacun est censé connaître et comprendre la loi….
Conséquence : alors que ces espèces disparaissent dans la nature, ceux qui peuvent les sauver en milieu protégé sont empêchés de le faire.
En outre, pendant toutes ces années, les animaleries ne pouvant acheter, même des espèces courantes, à des éleveurs français, s'approvisionnèrent principalement dans les autres pays européens, aggravant par là même le commerce extérieur français.

3°) La Convention du 13/11/1987 ou la voie glissante de l' " intégrité " animale et la longue litanie des interdictions en tout genre.
Si cette convention du Conseil de l'Europe n'avait pas été ratifiée pendant une aussi longue période : ce n'était pas un hasard. Nombreux avaient été les scientifiques, vétérinaires et juristes à avoir attiré l'attention des pouvoirs publics successifs sur les dangers et le caractère irrationnel ou/et fortement discutable de certaines de ses dispositions, notamment le fait que cette convention met en application les thèses de l' " écologie profonde " sur les races soi-disant " handicapées ".
Ainsi l'article 10.1 de la convention interdit la taille des oreilles des chiens. Motif : cela fait souffrir les animaux. N'importe quel vétérinaire ou éleveur pourra vous prouver que si cela est fait dans les règles de l'art, sous anesthésie, il n'y a aucune souffrance.
Dès lors, on est en droit de se poser une question : si les extrémistes de la protection animale ont raison et que ce qu'ils appellent " chirurgie esthétique pour animaux " est d'une pure futilité et doit être interdite, pourquoi n'interdit-on donc pas la chirurgie esthétique pour les Humains ?
Un Dobermann avec les oreilles tombantes ne ressemble plus à un Dobermann. Le résultat en est que les demandes ont fortement chuté pour cette race (de 50 % en France, beaucoup plus dans certains pays).
Conséquences : à cause de mesures considérées pourtant comme a priori favorables aux animaux, des races anciennes comme le Bouvier des Flandres, le Dobermann etc. pourraient bien finir par voir leur existence mise en danger.

La convention prévoit aussi que pourront être interdites les " races handicapées ", avec une définition tellement large que les trois quarts pourraient être concernées.

Mais le plus grave est sans doute que cette convention inaugure une nouvelle tendance : introduire dans la réglementation des concepts flous qui peuvent servir de base à des procès parce qu'ils peuvent être interprétés de n'importe quelle manière par des juges différents selon leur "sensibilité".

Pour la première fois, elle introduit une " insécurité juridique " permanente dans la réglementation, qui sera encore plus dangereuse si la Chancellerie reprend une proposition de loi d'une association qui désirerait que les juges puissent dire si telle ou telle méthode d'élevage est contraire au bien-être animal.
On voit le danger : le pouvoir de décisions passerait des citoyens par leurs représentants à celui des juges non élus….

En conclusion, on peut aisément comprendre que la réglementation relative à la protection des animaux, si elle suit les propositions de certains mouvements radicaux, peut gravement remettre en cause la protection des espèces et races rares, c'est-à-dire la biodiversité.

Pour se prémunir d'un tel danger, il existe plusieurs solutions.

Tout d'abord avant d'adopter une multitude de nouvelles réglementations, il est nécessaire de réaliser un bilan des réglementations existantes.

Ensuite, il convient de mettre en œuvre les règles de la démocratie et de prendre en considération les arguments de toutes les personnes qui seront concernées par le projet de réglementation, et pas seulement de celles, qui occupent le devant de la scène médiatique, par des actions choc et l'intervention de " personnalités du showbiz ".

Enfin, il est nécessaire de garder à l'esprit qu'une réglementation relative à la protection des animaux ne doit pas conduire à la disparition d'une race ou d'une espèce.

Pour y parvenir, il serait sans doute bon de promouvoir le concept d'écologie humaniste, c'est-à-dire une écologie qui au lieu de détester l'Homme, de culpabiliser en permanence les citoyens et de prôner la décroissance, donnerait la possibilité au plus grand nombre d'agir concrètement pour la sauvegarde de leur environnement et des espèces menacées.
Cette écologie pourrait, par exemple, permettre aux particuliers de participer concrètement à la sauvegarde d'espèces, variétés ou races animales rares ou menacées, en étant associés bénévolement à des programmes de sauvegarde menés par des scientifiques et des associations.

L'écologie humaniste est un nouveau concept positif, seul capable de concilier sauvegarde de la biodiversité, croissance économique et participation du plus grand nombre à la protection de la nature et des animaux.

Fédération ProNaturA France