La Tourterelle Rieuse Auteur : Thierry Girod |
Mutation Isabelle
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Historique
Description
- Le mutant isabelle conserve le patron sauvage (voir photos). Les parties noires chez l'oiseau d'origine (collier,
rémiges primaires et bande de queue) sont éclaircies plutôt gris anthracite, toutefois on y voit encore du noir,
surtout dans le collier. Les rémiges primaires, déjà plus claires dans la couleur sauvage, apparaissent plus fortement éclaircies encore
que le collier et la bande de queue.
On a envisagé que cette mutation corresponde à la mutation brune, comme on en connait chez beaucoup d'espèces d'oiseaux : dans ce
cas l'eumélanine noire devient marron. Je ne pense pas que ce soit le cas, car il est très net que les mutants isabelle
conservent du noir, en particulier dans le collier. Selon toute vraisemblance, la mutation isabelle agit en diminuant la quantité
de pigment noir. (Et la mutation brune, si répandue chez les autres oiseaux de volière et le Pigeon domestique, n'est donc pas
encore apparue chez la Tourterelle rieuse, ce qui nous laisse l'espoir de la trouver un jour. Espérons...)
- Du fait de la réduction du noir, la phéomélanine s'exprime plus intensément, ce qui produit :
- une diffraction de la lumière sur la tête, le cou et la poitrine (coloration structurale) responsable des irisations mauves
spectaculaires, bien plus intenses que dans la couleur sauvage
- une coloration d'ensemble brune orangée.
- il n'est pas impossible qu'un peu d'eumélanine marron, habituellement "cachée" par le noir, devienne plus visible.
- Yeux et pattes comme la couleur sauvage, bec couleur corne foncé. L'éleveur allemand Alois Münst a signalé que les
mutants isabelles ont à la naissance le duvet plus court. Personnellement je n'ai pas eu l'impression que cette règle soit absolue.
Par contre j'ai constaté que certains porteurs d'isabelle (phénotype couleur sauvage) restent reconnaissables jusqu'à la mue juvénile,
d'abord par leur duvet plus court, puis par la teinte jaunâtre de leur poitrine lorsque les plumes poussent. Là encore je ne suis
pas en mesure d'affirmer l'universalité de cette règle. L'avis des autres éleveurs serait utile : qu'en pensent ceux qui ont l'habitude
de la mutation isabelle?
Génétique
Combinaisons
- L'isabelle se combine avec la mutation pastel :
Le résultat donne un très bel oiseau, de couleur générale jaune orangé. Le collier est brunâtre et les rémiges primaires sont
idéalement jaune paille. Le bec est couleur chair. Les pattes et les yeux ne sont pas modifiés. Il est important d'avoir les marques
bien pigmentées: collier, bande de queue et surtout les rémiges primaires, qui ne doivent pas sembler blanches.
Cette combinaison de mutation est trop souvent confondue avec l'orange pastel. Il faut que les éleveurs y fassent attention, et il
faudrait élever des Tourterelles suffisamment pigmentées, pour lesquelles la confusion n'est pas possible.
- L'isabelle se combine avec la mutation ino :
Dans ce cas l'ino paraît encore plus blanc, les marques (collier et bande de nuque) deviennent peu distinctes. Selon Hein van Grouw
cette combinaison a été utilisée par les éleveurs néerlandais pour obtenir des inos les plus "blancs" possibles. Selon lui, les inos
sur lesquels le collier ne se distingue pas sont probablement des isabelles inos. En ce qui concerne les oiseaux français je ne pense
pas que ce soit possible, parce que la mutation isabelle est encore peu répandue en France. Je crois plutôt que cette couleur (trop)
pâle des inos avec quasi-absence du collier est plutôt le résultat d'une sélection séculaire de nos ancêtres qui voulaient
obtenir "la colombe de la paix" immaculée. La preuve de ce que j'avance est que ces oiseaux ont le plus souvent une bande de
queue très bien visible: si le gène isabelle était présent, celle-ci serait diluée aussi.
Synonymie | Français (en aviculture) |
Anglais | Allemand | Néerlandais |
Isabelle | Brun à tête de pêche |
Rosy | Rosa Hellwildfarbig (Isabell) |
Wickleur isabel |
Isabelle pastel | Isabelle | Peach | Isabelle (Pastell-Isabell) |
Pastel Isabel |
La mutation panachée
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DESCRIPTION
Par définition, la panachure est définie comme un albinisme partiel, c'est-à-dire que certaines régions du corps sont pigmentées,
et d'autres non (donc blanches).
Dans le cas de la Tourterelle rieuse la situation est peut-être un peu différente.
La Tourterelle rieuse panachée en plumage adulte présente effectivement des zones blanches et des zones colorées réparties irrégulièrement
sur le corps. Aucune symétrie du dessin n'est reconnaissable. Chaque plume est unicolore, soit blanche, soit pigmentée. La répartition
des marques blanches et pigmentées est totalement aléatoire, et la plus grande variabilité est observée d'un oiseau à l'autre.
Je suppose que chaque individu est unique de par son patron panaché. Il semble que les parties colorées soient de couleur un peu
différente de la couleur unie correspondante sur une Tourterelle non panachée ; cette remarque a été faite par les chercheurs américains
Miller et Hollander, puis par l'éleveur néerlandais Hein van Crouw, et c'est également l'impression que j'ai en regardant mes oiseaux.
Si c'est avéré, cela peut signifier que le gène panaché modifie en fait l'intensité de la pigmentation, dans les zones pigmentées.
Il me semble que la couleur est plus mate et plus sombre chez une panachée que chez une normale de la même couleur, j'ai l'impression
d'y voir moins de brun et moins d'irisations, mais je ne suis pas sûr que cette impression soit valable pour toutes les Tourterelles
panachées.
Le standard néerlandais préconise une répartition aussi uniforme que possible des plumes blanches sur tout le corps, pour former
dans l'idéal un patron uniformément panaché, sans grosses plages unicolores.
Cette dernière prescription me semble bien conforme à la nature de ce gène de panachure. Mais au stade où nous en sommes, bien
peu de Tourterelles panachées correspondent à cette définition théorique. Le nombre relativement élevé des sujets panachés, dû
à la popularité de cette couleur, pourrait permettre une certaine sélection si tous les éleveurs vont dans le même sens.
Typiquement le bec est plus clair à la base, et sombre à l'extrémité. En couleur de fond "sauvage" le bec reste quand même
assez sombre. La pupille de l'oeil est sombre, l'iris est brun foncé (presque noir). Les pattes sont rouges comme chez les
Tourterelles unicolores, la couleur des ongles et de l'extrémité du bec dépend de la couleur de l'oiseau. Il est fréquent que
certains ongles soient roses (entièrement dépigmentés).
A la naissance la Tourterelle panachée est claire, à peu près comme la pastel. A l'extrémité de la mandibule supérieure, l'anneau
sombre qui entoure la "dent de l'oeuf" est le plus souvent absent ou incomplet. Le plumage juvénile est décrit aux Pays-Bas
comme " schimmel ". La plupart des plumes de couverture chez le jeune sont en effet "givrées", de teinte grisée. Plusieurs couleurs
coexistent sur une même plume. Il semble que la quantité de pigment soit moindre, comme si des parties blanches étaient mélangées
dans les parties colorées, et ce, à l'intérieur de chaque plume colorée. Lors de la première mue, chaque plume repousse, soit
colorée soit blanche, mais unicolore.
On ne peut pas prédire la répartition chez l'adulte. Ces particularités de la mutation panachée, déjà décrites par Hollander et Miller,
suggèrent que le phénomène responsable de la panachure soit ici bien plus complexe que ce qu'on connaissait, chez le Canari par exemple.
Théoriquement, on peut sélectionner l'importance, la répartition et la localisation de la panachure. " L'American Dove Association "
reconnaît ainsi un certain nombre de patrons très blancs qui sont apparemment des extensions maximales de la panachure combinées
à d'autres couleurs. On peut en théorie obtenir des oiseaux presque entièrement blancs, mais ce doit être difficile car on en rencontre
très peu. De tels oiseaux entièrement blancs auront le bec sombre (au moins à l'extrémité) et l'iris brun foncé. Inversement on devrait
aussi pouvoir élever des oiseaux (presque) entièrement pigmentés, seulement reconnaissables par leur iris sombre.
Si l'on se réfère à la classification dans les concours UOF, je suppose que la Tourterelle panachée devrait être jugée dans la
catégorie " mutation avec modification du patron sauvage ", puisque chaque partie du corps est souhaitée panachée (y compris le collier,
la bande de queue et les rémiges primaires). L'avis des juges à ce propos serait utile. Il faut noter qu'à l'heure actuelle dans
les standards avicoles on demande que la panachure épargne le collier. De toute façon la répartition des marques blanches n'obéit
pas aux ordres des standards, et pour l'instant on n'arrive pas à sélectionner de localisation pour cette panachure, du moins en France.
COMBINAISONS
Toutes les couleurs peuvent théoriquement être combinées avec la panachure. Le plus souvent on rencontre la mutation seule
(panaché de couleur sauvage), ou combinée avec le pastel ou l'isabelle. Avec le gène phaéo il semble qu'on ait plus de mal à obtenir
des sujets colorés, comme si le blanc envahissait toute la robe, surtout avec le gène phaéo à l'état homozygote. Les mécanismes
d'action de ces deux gènes ne sont peut-être pas totalement compatibles. On trouve quand même des panaché orange (phaéo simple facteur),
mais ils semblent assez rares. Cette combinaison est appelée "Chin-moy" aux Etats-Unis.
La combinaison la plus spectacu-laire et l'une des plus répandues est avec le gène ino l'oiseau obtenu est théoriquement crème panaché,
en pratique il paraît blanc, son bec est rose (influence de l'ino), mais ses yeux sont très sombres (influence de la panachure).
Cette combinaison est présentée dans les expositions d'aviculture sous le nom de "blanc aux yeux noirs". Le plus souvent, on
arrive à prouver la présence du gène ino parce que la bande de queue reste visible (au moins en partie) et parce que le bec est rose.
GÉNÉTIQUE
Le gène panaché est récessif, et pas lié au sexe. Le symbole consacré par l'usage est américain : pi
* Génotype d'un porteur de panaché : Pi+//pi
* Génotype d'un panaché : pi//pi
* Génotype d'un non-panaché pur : Pi+//Pi+
Selon l'éleveur néerlandais Hein van Grouw, les sujets hétérozygotes présentent souvent de discrètes marques blanches sur la tête.
Miller et Hollander avaient déjà fait la même remarque. Personnellement je n'ai pas vérifié cette observation. Il est possible que
les marques blanches qu'on observe sur la tête de certains oiseaux ne soient pas dues au gène de panachure, à l'inverse certains
oiseaux qu'on sait porteurs n'ont pas de blanc sur la tête (ni ailleurs).
Le gène de panachure est donc conforme aux lois de Mendel. Ceci est valable pour le "caractère panaché" dans son ensemble.
Par contre la répartition des taches blanches obéit vraisemblablement à une commande génétique, que je suppose polygénique
comme dans les autres espèces, mais à ma connaissance personne n'arrive actuellement en France à maîtriser le "patron panaché".
Donc dans les prévisions d'accouplements on se limite à ce qui est connu, c'est-à-dire le gène de la panachure, qui, lui, obéit
aux lois de Mendel.
Aux Etats-Unis certains patrons très blancs ont reçu un standard ainsi la combinaison de la panachure
et de l'orange est appelée "Chinmoy' lorsque le blanc est très étendu. De même la combinaison de la panachure avec le "Frosty"
(mutation américaine inconnue en Europe à ma connaissance) serait appelée "Erosry Ice".
Il faut noter une prescription surprenante dans le standard néerlandais : il est clairement précisé que la couleur "Wit" (= blanche)
est un cas de panachure à extension maximale du blanc, pourtant le standard demande un bec clair les commentaires du standard
conseillent aux juges de ne pas trop pénaliser un bec modérément pigmenté. Le panaché de couleur sauvage, à bec plus sombre,
se trouve de fait pénalisé au profit des panachés de couleur plus claire (combinaison de mutations).
En Amérique et en France les deux cas possibles de blanc aux yeux sombres ne sont pas différenciés.
CONCLUSION
La couleur panachée chez la Tourterelle rieuse est passionnante à étudier, et pour l'instant encore pleine de mystère.
L'existence d'un gène majeur est certaine. Mais le mode d'action de ce gène n'est pas clair : manifestement
il inhibe le dépôt des pigments dans certaines plumes (et encore, moins en plumage juvénile), mais il paraît également intervenir
sur le dépôt des pigments dans les plumes colorées. Pour l'instant je propose de considérer que ce gène modifie la répartition
des pigments. C'est apparemment la phaéomélanine qui est la plus réduite.
Des gènes modificateurs règlent la répartition de la panachure, c'est grâce à eux qu'on peut sélectionner les panachés. Ils sont
probablement responsables de certains patrons.
Cette mutation est parfois appelée "panachée multicolore".
Traductions | France (dans les expositions avicoles) |
Etats-Unis | Allemagne | Pays-Bas |
Panaché | Panaché | Pied | Gescheckt | Bont |
Panaché à extension totale du blanc (bec sombre) |
Blanc aux yeux noirs (rare) |
Bulleyed White |
Wit (rare) |
|
Panaché ino (bec rose) |
Blanc aux yeux noirs (fréquent) |
Bulleyed White |
Non reconnu |
La panachure dite "Californienne" |
Les autres patrons de la panachure
Aux Etats-Unis des patrons avec du blanc très envahissant sont reconnus, je suppose qu'ils dérivent du panaché "classique "
par sélection (voir article précédent).
Aux Pays-Bas est apparue une panachure symétrique assez proche de notre "californienne", mais apparemment elle n'a pas été sélectionnée.
Il semble qu'elle apparaisse épisodiquement dans les lignées de panachées.
Elle est appelée getekend bont (panaché marqué), on la rencontre également en Belgique. Elle se distingue surtout
de la "californienne" par la présence de blanc sur les épaules et par son absence sur les rémiges primaires. C'est peut-être
un allèle récessif du panaché " classique " qui en est la cause.
Plus récemment Hein van Grouw a signalé aux Pays-Bas l'apparition de panachés symétriques avec seu-lement la tête et le ventre blancs.
Ce patron semble se transmettre génétiquement d'une génération à l'autre.
Des cas de panachure symétrique paraissant proches de notre "Californienne" m'ont été signalés par Hein van Crouw, qui les aurait
rencontrés en Slovaquie et en Italie.