Gauche, Droite,
Extrême Gauche Verte pour une fois tous d’accord : il faut sauver les
paysans !
On est tellement habitué aux discours
dominants rurauxphobes (les paysans sont des pollueurs, ils sont gavés
de primes, ils coûtent trop chers), attisés par des associations de
protection de la nature et des animaux de la mouvance « écologie
fondamentaliste » que, lorsqu’en un mois, on lit trois excellents
articles sur la situation réelle du Monde rural, on n’en croit pas ses
yeux. C’est tellement rare que cela fait du bien et mérite d’être cité.
Si le journal « Le Monde » dans lequel
s’expriment longuement les Bougrain-Dubourg, Jeangène-Vilmer et j’en
passe, est habituellement la voix du bobo-parisianisme exacerbé, il
laisse parfois s’exprimer d’autres opinions.
C’est grâce à ce pluralisme qu’il conserve encore un certain intérêt.
Dans un article du 11-02-2010, Sylvie
Brunel professeur des Université de Paris Sorbonne, prouve qu’on peut
être directrice du Master professionnel « mondialisation et
développement durable » et comprendre parfaitement les problèmes du
monde rural.
Pendant des décennies, on a demandé aux paysans d’investir, de
s’endetter et de produire toujours plus pour nourrir une population en
pleine expansion. Objectif réussi.
En ont-ils été récompensé ? Non.
Ceux qui triment 7jours sur 7 sont à la merci de certaines grandes
enseignes et, pour beaucoup, peinent de plus en plus à se dégager un
SMIC.
ls ont tellement le sentiment d’avoir été grugés que la profession
n’attire plus les jeunes.
Comment en serait-il autrement quand tel bureaucrate de l’Union
Européenne leur a suggéré récemment de se doter d’un second métier pour
survivre ?
Après son industrie, la France abandonnera-t-elle son agriculture ? La
question se pose.
A l’heure de l’économie mondialisée ouverte, lorsque les cours sont
fixés ailleurs, comment pourrait-on lutter avec des pays qui n’ont pas
de protection sociale ou des pays où des agriculteurs cultivent seul 900
hectares, si la protection relative de la PAC disparaît ?
Car il ne faut pas oublier qu’en échange de la PAC, nulle autre
profession n’a été plus soumise à pléthore de réglementations
courtelinesques, délirantes et contradictoires.
Pourtant, comme le rappelle Denis Tillinac dans un article de Mariane de
13-02-2010 « Plaidoyer pour un monde qui disparaît », « si au Japon les
Français passent pour des rigolos, seule notre agriculture échappe à
leur sarcasme ; les Japonais envient sa puissance, estimant à juste
titre que l’autosuffisance alimentaire est un atout géopolitique
maître ».
Certains médias reprochent aux paysans de
percevoir des subventions. Pourquoi ne disent-ils pas que sans elles,
les prix des denrées alimentaires seraient souvent 5 à 6 fois plus
élevés ! Est-il normal que le prix de vente soit inférieur au prix de
revient ? D’ailleurs, les subventions, ils préféreraient s’en passer.
Mais c’est impossible : « dans un contexte de marchés erratiques, où les
Américains font la loi, et qui cumule les tares du libéralisme le plus
anarchique et du protectionnisme le plus éhonté », précise Tillinac.
Que d’injustice, quand on sait , comme le note Sylvie Brunel que : « si
l’espérance de vie des Français et leur taille se sont tant accrues en
cinquante ans, ce n’est pas seulement grâce à l’hygiène et à la
médecine : c’est d’abord par la qualité des produits alimentaires ».
En plus des problèmes économiques, les
paysans subissent désormais le matraquage des discours rurauxphobes par
les ayatollahs des associations et des partis politiques tendance
véganisme et « deep ecology ». Après les engrais qui polluent, les
vaches qui pètent, seraient responsables du réchauffement de la planète
Rien que ça.
(Et pas du tout les usines asiatiques avec leurs cheminées à ciel
ouvert ?)
Or, comme le relève Sylvie Brunel : « Sait-on que dans le calcul de
l’empreinte écologique, un champ cultivé séquestre plus de CO2 qu’une
forêt ? Et une prairie autant ? »
Lorsqu’on lit une fois cet argument sous la plume de Sylvie Brunel, on
lit ou on entend 100 fois les arguments contraires du journaliste F .Nicolino
qui dans « Bidoche » expose longuement les habituels arguments
rurauxphobes, salissant même nommément les personnes et les associations
qui ne lui plaisent pas.
Elle est loin l’égalité du temps de parole. Quant au pluralisme, qui
devrait être la règle en démocratie, on peine à le chercher pendant
longtemps.
On en découvre toutefois une petite parcelle dans le Canard Enchainé
du17-02-2010, sous la plume de Jean-Luc Porquet. C’est étonnant quand on
sait que cet auteur est plutôt, d’habitude, l’amplificateur des thèses
« décroissantes »de la deep ecology, tant chérie par ceux qui ne manque
de rien : les bobos parisiens.
En tout cas, il a compris les difficultés du monde rural et rédigé un
très bon article.
Il met très bien en valeur l’un des problèmes cruciaux : « ces villages
qui se vident à cause des exploitations devenues géantes et de la
mécanisation ».
En effet, l’ultraproductivité de l’agriculture est trop synonyme de
désertification des campagnes. Sommes-nous condamnés à vivre dans des
villes surpeuplées et polluées, alors qu’une partie de la population
désirerait une vie naturelle et harmonieuse à la campagne, mais ne le
peut faute d’emplois ? Aujourd’hui, on n’entend plus parler
d’aménagement du territoire. Une preuve de plus du mépris à l’égard des
ruraux ?
Et de l’abandon des Hommes Politiques pour qui « ils ne pèsent plus
assez en terme de voix » J-L Porquet indique que pourtant, il y a des
agronomes, des scientifiques qui sont positifs et qui ont des
propositions.
« Il est possible, dit l’agronome Marc Dufumier, de comprendre que la
vocation agricole de la France ne consiste pas à faire du dumping à
l’égal des paysans pauvres de la planète, mais grâce à sa grande
diversité de terrains et à ses conditions qui permettent des produits de
grande qualité, de bien nourrir les gens. »
Un discours sensé auquel nous adhérons.
Encore faut-il que le regard des urbains
change sur leurs campagnes.
Rappelons que sans les paysans, tous les paysages différents
qu’affectionnent les promeneurs du dimanche n’existeraient plus. Laisser
la nature à elle même et vous n’y mettrez plus les pieds. Les ronces et
les forêts recouvriront tout.
C’est pourquoi nous pensons comme Sylvie Brunel, et comme la majorité
silencieuse des Français, qu’il est possible de concilier agriculture et
développement durable, grâce à l’écologie humaniste. Est-il vraiment
souhaitable d’être nourri demain uniquement par les Brésiliens et les
Argentins ?
Et nous partageons sa conclusion « Nous
devons abandonner notre vision fausse et passéiste d’une nature qui
existerait indépendamment de l’homme et faire enfin confiance à ceux qui
la connaissent, l’aménagement et en tirent le meilleur. Pour notre plus
grand plaisir : les paysages. Notre santé : la nourriture. Mais aussi
notre salut : un développement durable aussi soucieux de la planète que
de ceux qui l’habitent passe d’abord et avant tout par le respect de nos
paysans ».
S. EGLIN |
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