Le Tête Noire de Brive

par René EVAIN

 

 

Noble, fier, élégant, indépendant, qui a du caractère, telles sont les particularités de ce pigeon à la couleur singulière. Il est très souvent dénommé par l’abréviation : TNB.

Pigeon tête noire de Brive
Photo RIPALDI

 

Historique

 Son histoire se confond quelque peu avec sa légende. Ses origines très lointaines sont assez incertaines : beaucoup d’opinions ont été émises, mais la thèse la plus probante est que ce pigeon aurait été ramené des croisades, via la Turquie, par les seigneurs féodaux de Turenne et de Collonges La Rouge, en Corrèze.

Il a, semble-t-il, une certaine ressemblance avec l’ancien Pigeon Turc. Sa couleur insolite et particulière se retrouve chez le Pigeon Espagnol qui, lui-même, descendrait du Pigeon Turc.

Ce qui est certain, c’est que des pigeons de ce type et de cette couleur existent dans de nombreuses fermes de la région de Brive, et même jusqu’en haut Limousin, dès le début du 20ème siècle, d’après certains témoignages de vieux paysans de la région qui se souviennent en avoir vu dans leur jeunesse. Ces pigeons sont élevés sans beaucoup de sélection et se reproduisent cependant fidèlement tant au point de vue de la  forme que des marques.

Alors qu’il est probablement entrain de disparaître par suite de nombreux croisements et métissages, certains écrits attestent que c’est en 1949, d’autres en 1953 que Monsieur Moreau, vieil éleveur de Malemort en Corrèze, a son attention attirée par quelques rares rescapés qui paraissent dignes d’intérêt. Celui-ci se procure un jeune orphelin qu’il élève à la main ; ce sujet s’avère être un mâle. M. Moreau se procure à grand peine une femelle : c’est là le couple de départ de son élevage. Ce n’est seulement que vers 1959 que M. Moreau commence une sélection plus rigoureuse et baptise ce pigeon à tête noire « Tête Noire de Brive ». A la même époque, l’abbé Mage participe également à cette sélection.

M. Moreau est non pas le créateur de la race mais le colombiculteur qui, par sa ténacité, a permis à cette race d’être reconnue. Avec l’abbé Mage, ils sont donc les deux précurseurs de la race.

En 1972, lors d’une visite chez M. Moreau, Etienne Tamburini lui conseille d’introduire le Bagadais français dans ses TNB. Il refuse catégoriquement. L’abbé Mage, quant à lui, tente l’expérience.

Ce n’est qu’en 1972 qu’apparaissent les premiers TNB en exposition à Brive bien sûr, puis à Bordeaux.

Le premier projet de standard est établi le 18 février 1972 par  MM Moreau, Blanc et Gouyou. Le 6 octobre 1973, l’abbé Mage transmet à M. Moreau la copie du standard qu’ Etienne Tamburini a établi.         

En 1973, au 110ème Salon de Paris, les premiers TNB sont exposés en vue d’une future homologation. Au 115ème Salon de Paris, c’est enfin la consécration : le standard officiel est homologué le 4 mars 1978. La ténacité de M. Moreau est enfin récompensée, il a 82 ans.

 

Histoire du club

 Le Club français du Pigeon Tête Noire de Brive voit le jour le 25 juillet 1979. M. Lafont en est le président. En 1982, c’est Jean Pierre Bésanger qui prend la direction du club. Il essaie d’insuffler un peu de tonus à l’équipe de mordus. Il passe la main à Eric Marcou en 1988, qui en  assure la présidence jusqu’en janvier 2006. En décembre 2006, Laurent Lacoste  reprend à son tour le flambeau.

L’occasion de réunir les éleveurs, pour la première fois, est réalisée lors d’une journée technique le 20 juin 1982 chez Jean Pascarel, alors trésorier du club. Quelques réunions techniques ont lieu ensuite de façon espacée. Mais c’est lors d’une journée technique, en 1993 à St Germain Les Vergnes, en Corrèze, chez le président Eric Marcou, que le club prend son véritable essor.

Un article, paru dans le magasine Rustica, déclenche, en 1991, une demande démesurée de renseignements et la venue de nouveaux éleveurs dont certains deviennent les piliers du club.

 Jusqu’en 1992, le club fait deux championnats de France annuels, le premier pour la catégorie « adultes » et le second pour la catégorie « jeunes ». A partir de 1993, les deux catégories sont réunies dans un même championnat de France, ce qui engendre un effet de masse. Cela permet également aux éleveurs de se retrouver tous plus facilement et de participer à l’assemblée générale annuelle qui a lieu à cette occasion.

 A partir de 1994, les championnats de France s’exportent hors du Sud-Ouest (Bray sur Seine – Châtellerault – Niort – Chambéry – St Etienne – Chambéry - Metz …). Le Conseil d’administration s’ouvre également aux adhérents de tout l’hexagone. C’est alors que le club prend une réelle dimension nationale.

Actuellement, un championnat de France véhicule une moyenne de 150 TNB, avec une poussée à 220 lors du Centenaire de la SNC à Chambéry en 2003.

 Un un peu plus de 25 ans, le club a su trouver la voie pour faire sortir le TNB de l’anonymat. Bien qu’en moins d’une décennie, le niveau de sélection ait fait des progrès considérables, il reste néanmoins beaucoup de travail. Cependant le club, dont le dynamisme et l’engagement, la cohésion et la solidarité ne sont plus à démontrer prend des initiatives judicieuses pour amener à ce pigeon, issu du patrimoine corrézien, la notoriété qu’il mérite.

 

 Couleur et dessin

 Ah ! Cette couleur et ce dessin qui forment une combinaison si particulière et si insolite. Une seule et unique couleur admise chez le TNB, comme d’ailleurs l’indique son nom : le noir.

Cependant, bien qu’il soit dénommé « Tête Noire », le TNB n’a pas uniquement la tête noire.  L’idéal consiste à ce que le noir absolu couvre la tête, le cou, la gorge et passe par une ligne approximative juste au dessus du cœur, longe le pommeau des ailes et s’arrête à peu près au milieu de la poitrine. La couleur noire et la couleur blanche du reste du corps doivent se combiner harmonieusement en un dessin dégradé jusqu’aux rémiges et rectrices blanc crayonné ourlé de noir.

 Les plumes de couverture, noires en apparence, sont en réalité bicolores : noir et blanc, dans un pourcentage plus ou moins important suivant les différents endroits où elles se situent. Dans cette partie noire, le blanc est constamment sous-jacent. On peut même remarquer parfois que la sous-couleur apparaît crayonnée suivant les sujets.

 Bien que le blanc soit toujours présent dans la sous-couleur, la couleur noire en surface doit être intense et lustrée.

La spécificité du Tête Noire de Brive réside dans la répartition inhabituelle de l’ensemble « couleur – dessin ». Elle est mise en évidence, en 1979, par les travaux de Jacqueline Francqueville sur le gène pencilled (pc -crayonné). L’éminent Professeur W. F. Hollander, célèbre généticien américain, publie ses travaux aux USA, en mars 1981, dans la revue « American Pigeon Journal ».

On retrouve également le gène pencilled chez un certain nombre d’autres races telles que le Strasser, le Strasser de Moravie, le Bagadais de Moravie, le Pigeon Espagnol, le Boulant de Hana, le Bagadais Tchèque, le Pigeon de Thuringe à poitrine colorée, le Culbutant de Kecskemet, le Culbutant de Botosani à tête colorée, le culbutant de Tula Tschegrassi, le Culbutant (russe) Troitskii Tchoubaryi,  le Culbutant (bulgare) de Pazardschik, le Culbutant (polonais) Zamojski.

 

 Sélection

 Depuis vingt ans, la sélection du TNB a fait de gros progrès, le temps de gommer les erreurs du passé, induites par l’introduction non maîtrisée de différentes races (Bagadais, Dragon …) et retrouver enfin le pigeon d’origine.

Certains défauts ont maintenant disparu tels que l’oeil coulé ou le tour d’œil grossier … Le type est de plus en plus homogène.

 Le niveau des mâles est meilleur que celui des femelles. La proportion de sujets de chaque sexe (sex-ratio) n’a jamais fait l’objet d’études, mais il semble qu’il naisse plus de mâles que de femelles, ce qui a peut-être permis davantage de sélection sur les mâles.

Il reste encore un travail sélectif énorme au niveau de l’ensemble « couleur – dessin ». Le facteur génétique « pencilled »   est relativement instable.

Bien que dans l’échelle des valeurs, la qualité de l’ensemble couleur-dessin soit aussi importante que l’aspect général, le TNB est avant tout un pigeon de forme. C’est donc le type  qui doit primer.

Le crayonnage, constitué de tirets (coups de crayon), doit bien se répartir sur l’ensemble des rémiges et des caudales. Une tolérance d’un tiers de plume non crayonnée est toutefois admise. Les femelles ont un dessin moins affiné que les mâles, en particulier au niveau des rémiges primaires.

La combinaison noir/blanc, tant au niveau du dos que des dessous, doit être la plus homogène possible. Les sous-caudales (coin) forment un triangle caractéristique chez le TNB.

 

Tempérament

 Noble, fier, élégant, indépendant, vif. C’est un oiseau puissant, assez méfiant, remuant mais jamais agressif.  Bon voilier, il est pratiquement toujours en mouvement. C’est un pigeon de caractère pour éleveur de caractère.

 

 Elevage et reproduction

 L’élevage du Tête Noire de Brive ne comporte pas de difficultés majeures. Il ne demande pas de soins particuliers. C’est un très bon reproducteur, très rustique.

Pour lui conserver sa qualité de voilier, il faut éviter de l’élever en cage individuelle. Cependant, si c’est le mode d’élevage retenu, il faudra que la cage soit suffisamment spacieuse et qu’il puisse garder l’esprit de concurrence hiérarchique. Il convient alors de placer les couples dans des cages adjacentes.

L’élevage peut commencer très tôt, dès janvier. Il amène ses nombreuses couvées à terme jusqu’à octobre. C’est un pigeon qui défend âprement sa case et un excellent nourricier.

Si les conditions d’élevage sont favorables : espace, nourriture appropriée, soins et hygiène, il est  très résistant.

 

Page mise à jour le 22 décembre, 2009